Notre environnement influence considérablement notre bien-être et notre développement. Cette réalité prend d’autant plus de sens lorsqu’elle s’applique aux bébés nés avant terme. Leur accompagnement nécessite une attention particulière pour répondre à leurs besoins et les aider à grandir de la meilleure manière possible. Basés sur l’amélioration des connaissances de la sensorialité du nouveau-né et des effets des stimulations de son environnement sur son comportement, les soins de développement apportent un éclairage nouveau sur les soins à prodiguer. Quels en sont donc les principes ? Nous explorons dans cet article cette approche de soin individualisé en néonatalogie.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Toute question de santé doit être posée à un professionnel. Cet article a pour objectif de sensibiliser aux enjeux de la prématurité.
Sommaire
Quelle est la définition des soins de développement ?
Lors d’une grossesse, l’utérus et le liquide amniotique protègent le fœtus des stimuli externes. Au moment de l’accouchement, le passage du milieu amniotique au monde extérieur crée un déséquilibre physiologique délicat à manœuvrer pour le bébé. Quand il s’agit d’une naissance prématurée, ce passage se révèle d’autant plus complexe puisque le fœtus n’a pas atteint sa croissance complète.
En plus de ce stress s’ajoute l’environnement néonatal qui n’est pas toujours adapté pour le cerveau encore immature de nos enfants prématurés. En effet, la surstimulation motrice, sonore et visuelle des services de maternité, définit par Martel et Milette dans leur ouvrage Les soins du développement – Assurer la neuroprotection des nouveau-nés comme : « tous stimuli inappropriés, émanant de l’unité néonatale, par rapport au degré de maturation du système nerveux sensoriel d’un nouveau-né prématuré. » n’est pas sans conséquence.
Les soins de développement permettent ainsi de prévenir ces effets néfastes en offrant un environnement adapté au nourrisson. Ils désignent un ensemble de stratégies qui favorisent un développement harmonieux de l’enfant prématuré dans ses composantes physiques, psychologiques, comportementales et relationnelles (Mambrini, Dobrzynsk, Ratynski, Sizun, de Parsceau, 2002).
Ces pratiques visent également à intégrer rapidement les parents aux soins afin de promouvoir l’attachement. Les soins de développement, plus qu’un regroupement de techniques, s’envisagent comme une véritable philosophie de soins.
Quelles sont les différentes approches de soins de développement en période néonatale ?
Le programme NIDCAP centré sur le patient et sa famille
Le NIDCAP (Neonatal Individualized Developmental Care Assessment Program ou programme néonatal individualisé d’évaluation et de soins de développement) fut créé à Harvard par Heidelise Als, doctoresse en psychologie. Ce programme a pour but de soutenir le développement de l’enfant né avant terme pendant son hospitalisation. Il s’agit d’une approche scientifique, largement documentée, qui regroupe des stratégies synactives du développement qui prend en considération les sphères physiologiques, neurologiques, comportementales et relationnelles.
Pour répondre aux besoins spécifiques des nouveau-nés hospitalisés, des observations régulières sont menées pour décrypter le comportement du bébé, notamment ses réactions aux stimuli externes. Grâce à une grille d’observation élaborée par le Dr Als, les soignants peuvent lire et comprendre le langage du nourrisson, mais aussi utiliser ce support pour faciliter la communication entre le corps médical et les parents. Ainsi, ces constatations permettent d’établir des soins individualisés.
La méthode Bullinger issue de la psychologie du développement
Issus de la psychologie du développement, les soins sensori-moteurs de la méthode Bullinger s’appuient sur les dimensions sensori-motrices et tonico-émotionnelles de l’évolution d’un individu. Initialement créée par le Professeur Bullinger pour des adolescents handicapés, cette approche repose sur des mises en situation pour explorer plusieurs domaines :
- l’oralité ;
- l’organisation des systèmes sensori-moteurs ;
- la représentation de l’organisme ;
- la graphomotricité ;
- la régulation tonico-émotionnelle.
Néanmoins, il n’existe pas de publications scientifiques attestant de l’efficacité de cette méthode. Nous développerons donc les recommandations transmises par le programme NIDCAP pour les soins de développement des prématurés.
Quelles sont les techniques environnementales et comportementales à mettre en place pour les soins de développement en maternité ?
Comme nous l’évoquions, les soins de développement reposent sur plusieurs paramètres pour offrir un environnement adapté à la croissance des enfants nés avant terme. Quels sont-ils concrètement ?
Un environnement apaisant pour le nouveau-né prématuré
Prendre garde au bruit
Avant toute chose, il est important de rappeler qu’un bébé prématuré n’est pas seulement un bébé né en avance, mais bien un enfant qui n’a pas encore développé toutes ses facultés. Le sens de l’audition par exemple n’est mature que vers la 33e semaine d’aménorrhée. Le bruit constitue donc une stimulation consommatrice d’énergie puisqu’il peut susciter un sursaut, une trémulation ou faire réagir par une extension de membre. De plus, il perturbe le sommeil, freine l’endormissement et sans régulations, peut entraîner des difficultés d’attention par la suite.
De ce côté-là, les soins de développement proposent de considérer la zone autour du bébé comme la chambre d’un enfant très sensible et de diminuer en conséquence le volume des alarmes de scope. Pour créer un espace apaisant, les recommandations suggèrent également de chuchoter près des couveuses afin de produire un niveau sonore de 45 décibels, ce qui est équivalent à un environnement in utero. Cela passe aussi par des pratiques plus générales comme le fait de discuter à l’extérieur de la chambre ou de manipuler délicatement les portes, les placards et les poubelles.
Faire attention aux lumières
Une autre recommandation des soins de développement concerne l’intensité lumineuse. La pénombre se rapproche en effet de la luminosité intra-utérine, c’est pourquoi la favoriser permet de s’adapter aux capacités d’un bébé prématuré. Pour cela, les stores pourront être abaissés et les lampes redirigées afin qu’elles n’éblouissent pas les yeux encore fragiles de nos enfants.
Lors du réveil et pendant les soins, les volets pourront être réouverts s’ils sont suffisamment éloignés de la couveuse. Dans la même optique, les lampes pourront être diffusées à travers un tissu et les yeux des nouveau-nés protéger avec un lange ou la main. À partir de la 32e semaine d’aménorrhée, une adaptation progressive au cycle jour nuit pourra s’envisager.
Soutenir le lien parents-enfants
La néonatalogie doit pouvoir faciliter l’accès au service, que ce soit par la possibilité de dormir ou de se restaurer sur place (le trajet jusqu’à l’hôpital étant un réel poids au quotidien), mais aussi en proposant des infrastructures adaptées à l’accueil des familles.
Comme l’évoquaient Gaël et Laure dans l’article des 1 000 premiers jours, l’installation est parfois sommaire et cela ne facilite pas les phases de repos pour les parents exténués :
« Dans chaque “chambre” enfant (souvent deux ou trois par “chambre”), se trouvaient une à deux chaises pliantes, et quelques transats – fruits de dons – à se partager pour le service, et utilisés pour les peau-à-peau. ».
Les stratégies comportementales à adopter
Comme l’ensemble des recommandations des soins de développement, les stratégies comportementales reposent sur l’observation du nouveau-né et le respect de ses cycles de sommeil. Cela passe par :
- une modification des soins en fonction du rythme de l’enfant ;
- une adaptation de la posture, du couchage et des soins (posture en flexion, enveloppement, peau à peau) ;
- la succion non nutritive (tétine ou mise au sein).
Trouver des appuis rassure en effet nos nouveau-nés qui se retrouvent ainsi dans des conditions proches de l’environnement in utero. Ce cocon devra bien sûr s’adapter à sa taille pour lui laisser l’espace de bouger ses jambes.
L’importance du peau à peau quotidien
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) recommande dans les guides de prise en charge des nouveau-nés de pratiquer le peau à peau afin de lutter contre l’hypothermie, de promouvoir l’allaitement maternel et de favoriser les interactions entre les parents et leurs enfants.
De même, les organismes sanitaires français (Haute Autorité de santé) et internationaux s’accordent pour préconiser cette pratique dès les premiers instants et le plus longtemps possible. Les bénéfices sont nombreux sur le plan physiologique, comportemental ou psychosocial, comme nous vous le détaillons dans cet article consacré au peau à peau.
Le rôle essentiel des familles
Pour le soutien de la parentalité, les stratégies visent à inclure les parents aux soins et au processus de décision. Les familles doivent ainsi pouvoir observer leurs enfants et être tenues au courant de tous les faits les concernant. Cela impose de limiter le nombre de soignants et de mettre en place un médecin référent.
De plus, la création de groupes de parents doit pouvoir être encouragée afin d’offrir un soutien mutuel durant cette période. Ensemble, nous sommes mieux armés pour s’épauler, se conseiller et s’écouter. Bien sûr, la présence de la famille et des personnes ressources est vitale tout au long de l’hospitalisation pour ne pas subir un isolement.
L’association SOS Préma prône la mise en place systématique des soins de développement dans les services de néonatalogie, le plus largement possible. Cette volonté s’est concrétisée par la rédaction de la charte du nouveau-né hospitalisé par l’association avec la Société Française de Néonatologie (SFN) et le secrétaire d’État de l’enfance et des familles. Un pas de plus vers un accompagnement personnalisé ô combien nécessaire de nos bébés nés avant terme !
Avec l’aide des soignants qui accompagnent Petit mais Costaud, nous avons élaboré le guide d’accompagnement que nous aurions aimé avoir en tant que parents d’un bébé prématuré. Dans ces 132 pages, nous abordons toutes les questions que nous pouvons nous poser et pour lesquelles nous n’avons pas toujours les réponses. Nous espérons que vous y trouverez toutes les informations et le soutien que vous cherchez pour avancer dans ce long parcours !
Sources :
- Élise Roegiers, Marie Alderson, Thérèse Van Durme, Les pratiques entourant les soins de développement : exploration des barrières à l’adoption et stratégies proposées par les experts pour les pallier, Recherche en soins infirmiers 2013/4 (N° 115), pages 92 à 106.
- Pr Picaud, Pr Cambonie CHRU de Montpellier, Soins de développement en néonatalogie, Guide pratique à l’attention des soignants.
- CHU de Toulouse Programme de formation NIDCAP.
- Association SOS Préma, Les soins de développement.
- Iris Morag, Arne Ohlsson, Lumière cyclique dans l’unité de soins intensifs pour les enfants prématurés et de faible poids de naissance, 2016.
- Giuseppe De Bernardo, Maria Svelto, Maurizio Giordano, Desiree Sordino, Marina Riccitelli, Soutenir les parents dans la prise en charge de leurs nourrissons admis dans une unité de soins intensifs néonatals : une étude pilote de cohorte prospective, 2017.
- Anna-Kaija Palomaa, Anne Korhonen, Tarja Pölkki, Facteurs influençant la participation des parents à l’atténuation de la douleur néonatale, 2016.
- Janelle Santos, Sarah E Pearce, Annemarie Stroustrup, Impact des expositions environnementales en milieu hospitalier sur le développement neurologique des prématurés, 2015.
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