L’hospitalisation d’un bébé prématuré se vit comme une course de fond, kilomètre après kilomètre. Le parcours est long, éprouvant et fatigant. En tant que parents, nous avons besoin de veiller à notre hygiène de vie pour être opérationnels sur la durée. À l’instar de tout sportif, il est nécessaire de prendre du temps pour nous reposer et reprendre des forces pour tenir sur la longueur. L’énergie que nous récupérons est non seulement vitale pour nous, mais elle l’est aussi pour notre petit·e costaud. Néanmoins, de nombreux freins peuvent nous empêcher de nous accorder cet espace de repos. Comment prendre du temps pour soi quand seul notre bébé occupe notre esprit ? Dans cet article, nous abordons le sentiment de culpabilité qui cohabite avec les parents, l’importance des temps de pause pour recharger ses batteries et des pistes pour se ressourcer.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent pas être considérés comme des avis médicaux. Pour toute question médicale, consultez un professionnel.
Sommaire
Prendre du temps pour soi, en a-t-on vraiment le droit ?
Le sentiment d’être responsable de cette naissance trop tôt
Souvent, la culpabilité, ce sentiment d’être responsable de la situation, nous empêchent de prendre du temps pour nous. Nous compensons parfois en passant tout notre temps disponible auprès de notre bébé, nous disant que c’est le moins que nous puissions faire. Or, si nous voulons transmettre nos forces à notre bébé, il faut que nous en ayons nous-même. Et pour ce faire, nous devons couper de temps en temps de cet environnement anxiogène, prendre une bouffée d’oxygène, nous reposer. En un mot : nous ressourcer.
Pendant une grossesse, nous imaginons souvent notre première rencontre avec notre bébé. Même si la vision reste abstraite, nous réfléchissons à son prénom, nous nous demandons à qui il va ressembler et envisageons mille possibilités. Lors d’une naissance prématurée, la bascule entre l’imaginaire et la réalité se réalise de manière angoissante, déroutante et violente, tant elle est rapide et imprévue.
Petit·e, fragile, entouré·e de tuyaux, dans son vaisseau transparent, votre bébé ne ressemble pas à ce que vous aviez pu prévoir. Au milieu de ce contexte hypermédicalisé si déconcertant, les émotions peuvent vous submerger. Une des plus fortes est sûrement la culpabilité, cette impression oppressante d’être responsable de cette situation et s’en vouloir d’avoir fait ceci, d’avoir agi comme cela. Qu’ai-je fait ces derniers jours, semaines ou mois ? Pourquoi est-il·elle là si tôt ?
Priscilla exprime le poids de cette accusation que nous portons contre nous-mêmes :
« Et cette foutue culpabilité ! Voilà j’aurais dû arrêter de travailler (je suis coiffeuse donc toujours debout), voilà j’aurais dû faire plus attention pendant le déménagement !!! Et si, et si… ».
Aurélie évoque aussi combien la comparaison avec une grossesse à terme est difficile :
« Je ne supportais plus de voir des femmes enceintes se plaindre du 3e trimestre que j’aurais tant aimé connaître. »
La culpabilité d’être en néonatalogie alors que ce petit bébé devrait encore être au chaud dans le ventre de sa maman nous ronge souvent. Vous dire que la situation n’est pas de votre faute ne calmera pas ce sentiment. Il est important que vous viviez vos émotions et que vous puissiez exprimer votre ressenti. L’accompagnement des soignants et des professionnels de santé, la présence de votre entourage, ainsi que le soutien des associations ou des groupes de paroles vous aideront à avancer sur ce long chemin.
Marion nous en parle dans son témoignage :
« 11 ans plus tard, j’ai appris à ne plus culpabiliser de l’avoir fait naître trop tôt. Ce n’est pas moi. C’est la nature qui est ainsi faite. Mais ce combat avec moi-même a été difficile. Aujourd’hui, je dois juste l’accompagner sur son chemin de vie, et je me dis chaque jour que je suis fière de tout ce qu’elle accomplit. »
La culpabilité de ne pas rester à chaque instant auprès de son bébé
La culpabilité ne s’arrête pas à cette naissance trop tôt. Dès l’instant que nous ne sommes pas aux côtés de notre enfant, nous avons tendance à nous en vouloir. Nous savons que notre place se trouve auprès de notre bébé et la distance est insupportable. Rentrer à la maison seul se vit comme un déchirement et imaginer son enfant dans sa couveuse à l’hôpital l’est tout autant.
Pourquoi prendre du temps pour soi ? Vous vous dites sûrement que l’important n’est pas là. C’est vrai, votre présence auprès de votre enfant est essentielle, cependant être avec votre bébé sans aucune force n’est pas toujours bénéfique. Les soignants du service de néonatalogie ont répété à Laure et Gaël combien prendre soin d’eux était primordial pour tenir tout au long de ce marathon de l’hospitalisation.
Même si nous sommes présents, si nous transmettons des messages négatifs à notre bébé en raison de l’épuisement ou du manque d’énergie, cela peut être contre-productif. Nos petit·e·s costauds ont besoin d’ondes positives et combatives. Pour communiquer cette force et cette énergie, vous avez besoin de ressources suffisantes. Et ces ressources, vous ne pouvez les obtenir qu’avec du repos.
Souvent, il est préférable d’expliquer à votre bébé que vous allez vous absenter une heure ou une demi-journée pour reprendre des forces et revenir le voir plus en forme afin de lui donner toutes les ressources dont il a besoin. Lors de votre absence, votre bébé ne reste pas seul, les soignants l’entourent de leur compétence, de leur chaleur et de leur présence.
Laure nous raconte son expérience de la culpabilité et le soutien qu’elle a trouvé auprès des soignants :
« Un soir, fortement incités par les soignants à faire une pause pour nous, nous sommes allés au restaurant. Nous étions fatigués et culpabilisions d’avoir cette parenthèse alors que notre fils se battait pour vivre, pourtant cela nous a fait énormément de bien. Nous avons changé de cadre (ce n’était ni l’hôpital, ni chez nous), nous avons bien sûr parlé de notre fils, mais cela nous a aussi permis d’aborder d’autres sujets et nous en avions besoin. Nous avons bien mieux dormi en rentrant chez nous et le lendemain, nos batteries étaient rechargées lorsque nous avons retrouvé notre fils. »
Vanessa Alix, spécialisée dans la douleur des bébés prématurés, nous parlait de ce sujet lors de notre live. De toute manière, nous dit-elle, il va falloir que vous mangiez. Autant prendre une heure pour vous en allant dans un restaurant que vous aimez bien, plutôt que de manger un plat de pâtes à la maison.
Dans cet article de témoignages sur l’accompagnement des soignants, Sarah dit :
« C’était très dur de rentrer chaque soir à la maison en laissant mon bébé seul dans son incubateur. Mais grâce aux infirmières, je pouvais appeler à n’importe quelle heure pour avoir des nouvelles de mon fils. Et ça ne les dérangeait pas du tout et franchement, c’était vraiment soulageant ! ».
Prendre du temps pour soi sans être loin de son bébé hospitalisé
Prendre du temps pour soi quand on a un bébé hospitalisé n’est pas forcément synonyme d’éloignement physique prolongé. Si la question de la distance vous pèse, vous pouvez envisager des activités proches de l’hôpital.
Au sein de certains établissements de santé, Happytal propose des services variés pour offrir davantage de confort aux patients hospitalisés. À travers une pause gourmande (petit déjeuner, déjeuner, encas), des prestations bien-être (coiffure, manucure, etc.) ou un service de linge avec un pressing ou des retouches pour les vêtements, ces activités permettent de s’accorder une pause tout en restant proche de son bébé. Dans le cadre de votre séjour, vous bénéficiez d’un montant pris en charge et utilisable sur l’ensemble du catalogue.
Certaines associations spécialisées dans la prématurité proposent de visiter le service de néonatalogie pour donner du temps aux parents. En plus de ces moments, elles organisent également des temps d’échange entre parents pour aborder toutes les questions liées à l’expérience de l’hospitalisation. Ces rencontres permettent d’évoquer vos ressentis et de vous décharger du sentiment de culpabilité.
Parfois, l’hôpital se trouve à plusieurs kilomètres de votre logement et cette distance peut complexifier votre organisation et limiter votre repos. Pour vous rapprocher de votre établissement de santé, il existe des maisons d’accueil hospitalières et des maisons des parents. Ces chambres de proximité vous accueillent pendant l’hospitalisation pour que vous puissiez rester au plus près de votre petit·e costaud tout en ayant un lieu dédié pour vous reposer.
Prendre du temps pour soi en s’appuyant sur son entourage
Lors de l’hospitalisation d’un bébé prématuré, les proches ont un rôle essentiel à jouer. Ils peuvent créer les conditions propices pour forcer la main, gentiment et avec bienveillance, aux parents afin qu’ils prennent du temps pour eux.
En s’occupant de l’aspect logistique avec la prise en charge des aînés, l’organisation des repas ou des tâches ménagères, l’entourage libère du temps pour que les parents se reposent. Comme le dit Laure :
«Le temps qu’on ne passait pas à cuisiner, à faire le ménage, les lessives ou autres, on pouvait le passer à dormir. »
En plus de libérer quelques heures pour les parents, l’entourage peut aussi organiser des moments de convivialité qui donnent de la force pour continuer d’avancer. Laure nous partage une anecdote sur un de ces instants :
« Un soir, 10 à 15 jours après la naissance de notre petit costaud, nous nous sommes retrouvés avec nos frères et leurs femmes. Ils avaient préparé tous les aliments que je n’avais pas pu manger pendant la grossesse et que j’adorais. La soirée n’a pas été longue, mais elle a mis beaucoup de baume au cœur, elle nous a fait du bien. On était boostés pour retrouver notre bébé le lendemain ! »
Pour en apprendre davantage sur ce rôle clé de l’entourage, nous avons créé une boîte à outils avec l’aide de Séverine Prat, ex-infirmière en réanimation néonatale, spécialisée aujourd’hui en ostéopathie périnatale et pédiatrique. Nous évoquons dans ces articles des ressources pour soutenir les parents au moment de la naissance prématurée, les accompagner pendant l’hospitalisation et les épauler pendant la transition de l’hôpital à la maison.
Prendre du temps pour soi quand on a un bébé hospitalisé, ça veut dire quoi ?
Prendre du temps pour soi quand on a un bébé hospitalisé n’a pas besoin d’être long pour être ressourçant. Vous n’êtes pas obligé de vous absenter un week-end complet pour sentir les bénéfices d’une pause régénératrice. Vous pouvez envisager cette question graduellement, en augmentant peu à peu la durée de ces parenthèses. Dans un premier temps, prenez simplement 5, 10, puis 15 minutes. Ensuite, accordez-vous une heure, peut-être une demi-journée.
Dans l’article sur les parents épuisés, Gaël évoque cette question de la durée par rapport à la pratique de la méditation :
« Mieux vaut méditer 5 minutes, ou même 2 minutes quotidiennement que d’attendre le moment parfait pour une session plus longue, qui n’arrivera peut-être jamais. »
L’analogie fonctionne pour toutes les autres activités qui vous permettent de prendre soin de vous.
En plus des exercices partagés dans cet article, vous trouverez dans ces autres sujets deux techniques de gestion du stress et une session de relaxation conçue pour proposer un court moment de respiration dans le quotidien compliqué des parents de bébé prématuré.
L’idée de ce moment pour vous est de réaliser une activité qui vous fait du bien de manière générale, vous rebooste et vous redonne des forces. D’une personne à l’autre, cela peut prendre des apparences multiples comme :
- passer quelques minutes en salle de parents pour méditer ou faire une sieste ;
- écouter un morceau de musique ou un album qui vous apaise ou qui vous donne de l’énergie ;
- apprécier un repas ou une sortie avec vos proches ;
- lire quelques pages d’un livre ou d’une bande dessinée avec un thé ou un café ;
- marcher en forêt ou en bord de mer, selon votre localisation ;
- jouer d’un instrument ;
- regarder un épisode d’une série ou un film, à la maison ou au cinéma ;
- faire une séance de sport ou de yoga ;
- partir pour une courte balade à vélo ;
- réaliser une activité manuelle qui vous permet de vous évader (dessin, coloriage, tricot, origami, etc.) ;
- prendre rendez-vous pour un soin de bien-être (massage, spa, manucure, etc. Ces services existent même à domicile !) ;
- faire une visite culturelle ou une exposition ;
- aller voir une pièce de théâtre ou un spectacle ;
- prendre un bain avec des huiles apaisantes ;
- lire un magazine ou un journal ;
- écouter un podcast.
Vous pouvez également prendre un temps pour vous en réalisant une action pour votre bébé comme aller chercher un cahier de naissance ou une petite peluche pieuvre pour l’accompagner dans sa couveuse. Ainsi, vous sortez et profitez de cette occasion pour prendre l’air, mais vous gardez le sentiment de faire quelque chose pour votre petit·e costaud.
Les soignants du service de néonatalogie s’accordent pour dire que prendre du temps pour soi quand on a un bébé hospitalisé est une nécessité. Vous aurez besoin de toutes vos forces pour les communiquer à votre petit·e costaud et pour les obtenir, vous devrez passer par la case du repos. Ces moments d’absence n’ont pas besoin d’être longs pour vous redonner de l’énergie, quelques minutes suffisent parfois à vous sentir plus serein. Pour vous soutenir tout au long du parcours de la prématurité et de la parentalité, vous trouverez sur notre blog de nombreux témoignages, informations et interviews d’experts tels que les aides financières pour les parents d’un bébé prématuré, le retour à la maison ou l’accompagnement des parents après la néonatalogie.
Nous serions heureux de recevoir votre témoignage sur les activités ou les moments qui vous ont permis de vous ressourcer pendant l’hospitalisation de votre petit·e costaud. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous partager votre histoire sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.
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