Avant de plonger dans la prématurité, personne ne peut imaginer le bouleversement qu’une telle expérience provoque. L’hospitalisation d’un nouveau-né avant terme change profondément notre regard de parents. Nous apprenons jour après jour, pas à pas, annonce après annonce, à vivre avec cette réalité et à la gérer au mieux de nos capacités. Même si nos proches nous entourent de bienveillance, il subsiste souvent un décalage. Alors comment atténuer cet écart et parler de la prématurité avec son entourage ? C’est la question que nous essayons de traiter aujourd’hui.
Sommaire
- 1 Avant de parler à vos proches, n’oubliez pas d’écouter vos besoins
- 2 Osez parler de ce que vous vivez pour mieux vous faire accompagner
- 3 Se servir des ressources de l’hôpital pour inclure les frères et les sœurs
- 4 Communiquez clairement sur ce que vous souhaitez et acceptez d’être aidé
- 5 Échanger avec d’autres parents : une ressource précieuse
Avant de parler à vos proches, n’oubliez pas d’écouter vos besoins
Chaque hospitalisation est différente. Bien sûr, la culpabilité et l’angoisse sont des sentiments que nous partageons tous aisément en néonatalogie. Notre quotidien se retrouve chamboulé du jour au lendemain, sans préavis, dans un tourbillon que nous n’avions pas anticipé. Lors d’une grossesse, la prématurité reste un sujet lointain et nébuleux, souvent peu abordé. Cette réalité demeure abstraite pour la majorité de la population, celle qui n’a pas vécu de près ce raz-de-marée d’émotions.
Face à cette dissonance, il est évident que nos proches ont du mal à suivre la cadence et à comprendre notre quotidien. Celui des aller-retour à l’hôpital, de la vigilance constante sur l’état de santé de nos mini super héros et des rendez-vous médicaux qui s’enchaînent. Plongé dans un univers anxiogène et ultra médicalisé, il est bien complexe de reprendre son souffle et de ne pas laisser les émotions négatives nous envahir. C’est pour cette raison que nous souhaitons vous rappeler d’être attentifs à vos besoins, à vous.
Peut-être que vous ressentirez l’envie d’une présence très forte de votre famille ou de vos amis à vos côtés, pour vous épauler et vous soutenir. À l’inverse, vous pouvez aussi ne pas vous sentir prêts à partager votre quotidien. Aucune solution n’est meilleure qu’une autre, la seule direction qui importe est celle que vous choisirez de prendre, celle qui sera la plus réconfortante et apaisante à vos yeux.
Osez parler de ce que vous vivez pour mieux vous faire accompagner
La prématurité n’est pas encore sous les feux des projecteurs. Bien que le sujet gagne de plus en plus de reconnaissance, notamment avec la charte du nouveau-né hospitalisé, le manque de notoriété laisse des lacunes sur nos connaissances en la matière. Il est donc important d’oser parler de son nouveau quotidien en néonatologie à son entourage, pour mieux se faire comprendre et accompagner.
Avant de vivre une hospitalisation, beaucoup d’entre nous ne savent pas ce qu’une naissance avant terme signifie concrètement. Il n’est pas évident de prendre conscience que notre petit.e costaud né.e trop ne possède pas toutes les capacités d’un enfant né à terme. Comme le rappellent Laure et Gaël dans l’article des 1 000 premiers jours, un bébé n’est « mature » qu’à partir de la 37e semaine d’aménorrhée, ce qui implique qu’un nouveau-né prématuré présente une immaturité et donc une fragilité. Le deuil d’une grossesse et d’un début de parentalité « normale » ne se réalise donc pas en un jour.
Surmonter le traumatisme psychologique d’une naissance prématurée demande du temps. Ce que vous vivez peut être une véritable épreuve pour votre couple. Et même une fois votre petit.e costaud sorti.e de l’hôpital, les souvenirs, les doutes et les peurs peuvent subsister. Se confier à un.e psychologue aide souvent à se décharger de cette boule qui creuse l’estomac. N’hésitez pas à vous renseigner, le service de néonatologie dans lequel se trouve votre bébé propose peut-être un accompagnement de ce type.
En plus de ce soutien psychologique, vous aurez peut-être aussi besoin d’un regard et d’une écoute de personnes qui connaissent bien votre quotidien. À l’hôpital, la présence des équipes soignantes chaque jour sur le terrain, tout particulièrement des infirmières puéricultrices, offre un réconfort précieux. De même, l’association SOS Préma réalise un travail remarquable pour assister les parents de bébés prématurés. En plus de leurs antennes locales, vous pouvez aussi contacter leur permanence téléphonique. Selon les jours et les horaires, ce sont des parents, un.e psychologue, un.e puériculteur.rice ou un.e pédiatre qui répondront à vos questions.
Se servir des ressources de l’hôpital pour inclure les frères et les sœurs
L’arrivée d’un cadet est vécue comme un bouleversement dans une fratrie. Désormais, un nouvel équilibre doit se trouver et il va falloir apprendre à « partager » ses parents. De ce fait, les aînés vivent des sentiments ambivalents, oscillant entre la tendresse et la jalousie. Lors d’une naissance prématurée, ces émotions se trouvent exacerbées en raison de l’inquiétude à la fois causée par la séparation avec les parents durant l’hospitalisation et par la préoccupation pour l’état de santé du bébé. Dans un moment où l’attention reste focalisée sur le nouveau-né, il n’est pas facile au reste de la famille de trouver sa place.
Les professionnels de santé ont leur rôle à jouer pour favoriser la rencontre de la fratrie avec le nouveau-né. Créer ce moment permet aux aînés de mieux comprendre la situation et notamment votre absence de la maison. Et puis, il s’agit aussi d’une occasion de poser une image concrète sur une réalité abstraite et de commencer à l’aimer. De nombreux hôpitaux organisent des ateliers pour accueillir les frères et les sœurs au sein du service de néonatalogie, n’hésitez pas à évoquer le sujet pour connaître le fonctionnement de votre hôpital.
De nombreux livres existent pour parler de la prématurité avec vos enfants et leur faire comprendre la situation. Par exemple, un conte a été publié par une équipe de professeures et d’étudiantes de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal en collaboration avec l’organisme Préma-Québec, Charlie a un petit frère prématuré. Cet ouvrage est disponible pour la consultation en ligne en français.
Communiquez clairement sur ce que vous souhaitez et acceptez d’être aidé
Parler de la prématurité avec son entourage implique aussi de les informer sur vos difficultés matérielles. Nous ne parlons pas forcément d’argent, même si ça peut évidemment en faire partie, mais plutôt des tâches domestiques et de considérations pratiques. L’hospitalisation de notre petit.e costaud demande toutes nos ressources et notre énergie : notre monde tourne autour du service de néonatalogie. C’est évident, nous n’avons pas vraiment la tête à nous occuper du ménage, de l’intendance, des courses ou des repas dans de telles conditions… En plus de leur soutien émotionnel, nos proches peuvent aussi être d’une aide précieuse pour nous épauler de ce côté-là.
Si on vous propose de l’aide, nous vous recommandons de ne pas la refuser. Se reposer sur quelqu’un pour les tâches domestiques, pour garder ses enfants si vous avez une fratrie ou pour aller soigner ses animaux de compagnie vous libérera d’une importante charge mentale !
De la même manière, vous n’avez peut-être pas pu vous procurer tout le nécessaire pour votre nouveau-né comme le nombre suffisant de couches ou des vêtements adaptés. Là aussi, demander un service à vos proches peut vous éviter d’arpenter les magasins et vous permettre de vous concentrer sur votre bébé. D’autant plus que trouver des habits qui conviennent au développement de nos enfants nés avant l’heure peut s’avérer plus difficile que prévu. Ce constat est d’ailleurs à l’origine de la création de notre plateforme de location de vêtements pour bébés prématurés afin que cet aspect pratique ne devienne pas un obstacle pour les futurs parents. Laure et Gaël vous en parlent davantage dans cet article consacré aux vêtements des bébés prématurés.
Vous aurez peut-être du mal à demander des services à vos proches, mais des actions concrètes de leur part sont parfois le meilleur moyen de témoigner leur présence et leur soutien. Ils partageront ainsi un peu plus de votre quotidien, ce qui aide aussi à parler de prématurité par la suite.
« Un vrai raz de marée nous a submergés lorsque notre petit costaud est né à 29SA. Et nous devons avouer que toute la gestion de notre quotidien passait au second plan. Nos proches ont alors été d’une grande aide pour assumer l’intendance de notre appartement (ménage, courses, lessives…), pour préparer nos repas et nous permettre de garder le peu de temps passé chez nous à nous reposer.
Nous avons aussi osé demander une présence lorsque nous en ressentions le besoin, sans tabou et cela a été bien accueilli.
Les 2 conseils que nous pouvons donner aux parents qui traversent cette dure épreuve qu’est la prématurité :1. N’hésitez pas à demander de l’aide à votre entourage, ou même aux soignants du service de néonatologie si vous vous sentez démunis.
2. N’ayez pas honte ou ne culpabilisez pas de prendre du temps pour vous, pour vous reposer ou vous relaxer. Ca ne sera que bénéfique pour votre bébé. »
Laure
Échanger avec d’autres parents : une ressource précieuse
L’expérience de la prématurité n’est pas évidente à partager. En plus de l’incompréhension des proches, se livrer sur ses sentiments ou ses doutes entraîne quelques fois des blocages. Si le soutien de l’entourage proche peut parfois faire défaut ou être maladroit, vous pouvez vous rapprocher d’autres parents d’enfants prématurés. Se confier à un interlocuteur qui connaît vos problématiques apporte un soulagement.
Cette rencontre peut se faire simplement au sein du service ou grâce aux Correspondants Locaux bénévoles de SOS Préma. Ces parents ont aussi vécu la prématurité et organisent des visites bénévoles à l’hôpital ou des cafés-parents à l’extérieur. Vous pouvez retrouver toutes les informations à ce sujet sur le site de l’association ou sur leur groupe Facebook.
Parler de prématurité avec votre entourage nécessite de le faire selon vos termes, au moment où vous vous sentirez prêts. Il n’existe pas de moment parfait ou de discours préétablis, seulement beaucoup de bienveillance. En revanche, vous pourrez trouver du soutien auprès du service de néonatalogie, d’autres parents, de professionnels ou d’associations comme SOS Préma pour vivre cette période au mieux. Demander de l’aide offre également une porte d’entrée vers votre quotidien. N’oubliez pas que vos proches vous aiment et souhaitent le meilleur pour vous, ils seront sûrement heureux d’agir concrètement pour votre bien-être.
Si vous souhaitez nous apporter votre témoignage concernant la prématurité ou nous expliquer comment vous avez abordé le sujet avec vos proches, vous pouvez le faire sur notre page contact.
Sources :
- Périne Santamaria, Prématurité et parentalité, Gynécologie et obstétrique, 2020, dumas-03012610 ;
- SOS Préma, Guide parents 2021-2022 ;
- Nathalie Dorais, Isabelle Charbonneau, Charlie a un petit frère prématuré, une idée originale de Phoukim Savanh, Marilyn Aita, Marjolaine Héon et Gwenaëlle De Clifford Faugère, Université de Montréal.
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