Il y a parfois des livres, des vidéos, des paroles qui marquent, qui semblent toucher juste. C’est le cas d’une interview du pédopsychiatre Philippe Duverger sur le plateau des Maternelles, qui nous a particulièrement intéressés. Alors nous nous sommes dits qu’il serait intéressant de vous en proposer un résumé ici, complété par nos propres recherches ! Le thème ? L’anxiété chez l’enfant, ou que faire quand son enfant est anxieux !
Vous découvrirez dans cet article la différence entre peur, anxiété et angoisse , les manifestations possibles de l’angoisse et l’anxiété chez l’enfant, ainsi que quelques conseils sur l’accompagnement à mettre en place pour son enfant.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent en aucun cas être considérés comme des avis médicaux. Toute question médicale doit être posée à un médecin. Cet article traduit notre compréhension des propos du Professeur Philippe Duverger, complétés par différentes recherches sur l’anxiété et l’angoisse chez l’enfant. Nous vous invitons à regarder l’interview complète indiquée dans les sources pour plus de précisions.
Sommaire
- 1 L’anxiété, qu’est-ce que c’est ?
- 2 L’anxiété chez les bébés
- 3 Les signes de l’anxiété chez l’enfant
- 4 Enfant anxieux : à quel moment consulter ?
- 5 Le rôle des histoires
- 6 L’angoisse de la mort
- 7 Quelques questions sur l’anxiété
- 8 Derrière l’angoisse, la peur de mal faire ou de décevoir
- 9 Enfant anxieux : Sources et ressources
L’anxiété, qu’est-ce que c’est ?
Peur, anxiété, angoisse, panique… nous utilisons plusieurs termes lorsque nous parlons de ces états que nous constatons, et qui parfois nous inquiètent chez nos enfants.
Il est tout d’abord utile de rappeler que la peur est un signal normal, naturel. Elle nous permet de faire attention à notre intégrité physique – et mentale -, d’adopter des comportements de protection vis à vis d’un danger – réel ou imaginaire, physique ou psychologique.
Le site Psychologies.com définit la peur ainsi : “Des situations de menace ou de danger physique ou psychologique nous mettent dans un état émotionnel spécifique, souvent accompagné de réactions physiologiques : tremblement, sueur, maux de ventre ou d’estomac, accélération du pouls. Cet état est normal et même positif lorsqu’il nous conduit à réagir en évitant ou en surmontant ce danger. En revanche lorsque la peur est la conséquence de phobies ou d’un état chronique d’anxiété sans objet, elle prend un tour pathologique.”
L’anxiété quant à elle est définie par le site anxiete.fr comme “une émotion souvent ressentie comme désagréable qui correspond à l’attente plus ou moins consciente d’un danger ou d’un problème à venir. L’anxiété est un phénomène normal, présent chez tous les individus. Elle peut cependant prendre un caractère excessif et pathologique dans différentes situations : on parlera alors de troubles anxieux.”
Ainsi, la plupart du temps, peur et anxiété ont un objet (nous avons peur “de quelque chose”, sommes angoissés “par quelque chose”). Si la peur est plutôt ponctuelle, l’anxiété correspond à un état plus durable.
Tout comme la peur, l’anxiété peut être bénéfique. C’est un “processus adaptatif : ça nous rend plus attentif et apte à réagir par rapport à notre environnement”, explique le Professeur Pierre-Michel Llorca, psychiatre et chef de service au CHU de Clermont-Ferrand.
Le professeur Duverger précise que la peur et l’anxiété deviennent pathologiques et créent de la souffrance lorsqu’elles envahissent l’enfant, quand elles se manifestent de manière chronique et qu’il a du mal à s’en dégager.
Cette anxiété envahissante peut alors se manifester par des crises d’angoisse et des paniques. Les psychologues caractérisent parfois l’angoisse de “peur sans objet” car, lorsqu’une crise d’angoisse apparaît, on n’est pas capable d’en identifier la cause précise, l’objet de l’angoisse (à l’inverse de la peur du noir ou des clowns). C’est “une grande inquiétude née du sentiment d’une menace imminente, mais vague”.
Le journal des femmes Santé la décrit comme un état psychologique voisin de l’anxiété. L’angoisse est une manifestation profonde d’inquiétude. Elle peut survenir de manière ponctuelle et disparaitre rapidement. Elle se manifeste souvent par des troubles physiques mineurs apparaissant et augmentant en quelques minutes. C’est la crise d’angoisse ou l’attaque de panique : tout se passe comme si “l’anxiété, devenue envahissante, n’aide plus à s’adapter et l’état d’excitation devient impossible à contrôler”, précise le Professeur Pierre-Michel Llorca.
Pour reprendre les mots du professeur Duverger, tandis que la peur se rationnalise, on ne sait trop d’où vient l’anxiété, plus diffuse. Quant à l’angoisse, elle est indicible. Le pédopsychiatre reprend l’image d’Alice au pays des merveilles, qui tombe sans fin, sans pouvoir s’accrocher à rien.
L’anxiété chez les bébés
L’anxiété chez le bébé apparaît lorsqu’il ne comprend pas ce qu’il se passe, qu’il ne dispose pas des clés pour comprendre les changements de son environnement.
Cela peut particulièrement être le cas vers 8 / 9 mois, lorsqu’apparaît l’angoisse de séparation. Le bébé différencie les visages familiers des visages inconnus, qu’il ne reconnaît pas et qui sont source d’inquiétude. Apparaît alors un comportement fusionnel avec le.s parent.s : le bébé “a besoin de se raccrocher à quelque chose, sinon c’est le vide.”
Comment gérer l’angoisse et l’anxiété du bébé ? La clé est mettre en place un cadre rassurant pour le bébé, à même d’instiller chez lui un sentiment durable et continu de sécurité affective.
Pour mieux comprendre l’angoisse de séparation, et découvrir des pistes concrètes pour accompagner votre enfant dans cette étape structurante de son développement, nous vous conseillons de lire notre article dédié à ce sujet en cliquant ici.
Les signes de l’anxiété chez l’enfant
Selon le professeur Duverger, plusieurs indices peuvent être signes d’un enfant anxieux:
- Le sommeil est perturbé : des cauchemars et des terreurs nocturnes apparaissent. Des “impatiences dans les jambes” peuvent également survenir.
- Des signes physiologiques et des comportements à tendance compulsive peuvent également apparaître : des trémulations, des sueurs, des “événements vasomoteurs”, la trichotillomanie (l’arrachage des cheveux et des poils d’une manière obsessionnelle) ou l’onychophagie (le fait de se ronger les ongles)
- Une certaine instabilité (le sentiment que l’enfant est “partout et nulle part”)
- Le besoin d’être rassuré tout le temps
- Des signes d’inhibition (l’enfant se replie sur lui-même, se met dans un coin…)
Lorsqu’ils persistent, ces signes ont en commun le fait que “l’enfant anxieux ne surmonte plus, est débordé, envahi, dépassé”. Bien qu’ils soient pour l’enfant un moyen de contrôler – ou d’éviter – les peurs et les angoisses, ces TOCs, ces phobies, ces somatisations et ces troubles deviennent quotidiens et l’empêchent de faire des choses : aller à l’école, avoir des copains…
Ils deviennent alors problématiques, voire pathologiques par leur intensité et leur persistance et peuvent déteindre sur différentes dimensions : le sommeil mais également l’alimentation ou les difficultés à l’école.
Enfant anxieux : à quel moment consulter ?
Selon le professeur Duverger, il est temps de consulter “quand ça déborde, quand c’est insupportable et quand ça fait souffrance”. Lorsque les troubles mentionnés ci-dessus apparaissent, il est important de consulter pour avoir un avis, une évaluation, identifier où l’on en est et mettre en place si besoin “une aide extérieure pour ne pas s’enkyster dans des comportements qui pourraient devenir pathologiques”.
Le rôle des histoires
Au delà du cadre rassurant et de la sécurité affective fondamentale évoqués plus haut, les histoires jouent un rôle important dans la construction de l’enfant. Conter des histoires à son enfant, c’est lui faire traverser autant d’expériences de vie, qui l’aideront à ne pas être envahi trop fortement par les émotions lorsqu’il sera confronté à des expériences similaires dans la vie réelle.
Le jeu joue un rôle similaire, pour aider à se projeter, à vivre des situations et des émotions “comme si” elles étaient réelles, tout en étant dans un contexte rassurant.
Cela explique pourquoi nos enfants souhaitent souvent qu’on leur lise la même histoire, ou pourquoi ils “choisissent le T-rex” lorsqu’on leur propose de jouer avec des dinosaures. Ils sont alors en terrain connu, ils savent comment cela va se passer et peuvent se sentir sécurisés.
Il est enfin important que l’enfant puisse parler, exprimer ce qu’il ressent pour “ne pas rester enkysté dans quelque chose qui fait souffrance”. A nouveau, créer un espace de confiance et de sécurité est donc essentiel pour accompagner son enfant, a fortiori s’il est anxieux.
Une maman – qui témoignait à propos de son enfant anxieux dans l’émission citée dans l’article – partageait la métaphore du sac à dos et des cailloux. Son fils représentait ses angoisses par un “sac à dos” qu’ils remplissait ou vidait de petits cailloux qui représentaient autant de sources ou moments d’angoisse. Cette métaphore a l’intérêt de matérialiser concrètement les angoisses, et de pouvoir agir dessus, avec l’aide de l’adulte ou progressivement de manière autonome – c’est l’objectif. Quel poids fait le sac à dos ? Quels sont les cailloux qui sont rentrés dans le sac à dos aujourd’hui ? Quels sont ceux qui en sont sortis ? Comment as-tu fait pour les faire sortir ? De quoi as-tu besoin ? L’utilisation des métaphores – particulièrement adaptées aux enfants – ouvre des pistes d’accompagnement intéressantes.
L’angoisse de la mort
L’angoisse de la mort est présente chez tout le monde et à tout âge. Il est important d’en discuter avec son enfant lorsque le sujet apparaît et de ne pas avoir peur de l’aborder – sans en parler tout le temps cependant. L’objectif est d’aider l’enfant à trouver ses réponses à cette question. A nouveau, les contes jouent pour cela un rôle didactique (ah.. L’histoire de Bambi…). Les événements de la vie, comme le décès d’une célébrité largement relayé dans les médias, ou des circonstances plus personnelles peuvent être le support de ces discussions.
Quelques questions sur l’anxiété
Enfant anxieux, parents anxieux ?
Oui, nous dit le Professeur Duverger.
Aïe… Selon lui, l’anxiété – parentale – se détecte souvent dans la relation parents-enfants : quand le parent demande très régulièrement “ça va… ? ou dit au contraire “ne t’inquiète pas !”. L’effet inverse est produit. L’enfant s’inquiète, il se demande pourquoi il devrait s’inquiéter ou ne pas aller bien.
“Les parents anxieux transmettent (souvent) l’anxiété aux enfants. Cela ne veut pas dire qu’ils sont responsables, mais cela participe à la culture familiale”.
Sans culpabiliser, car nous ne connaissons pas de parent parfait et zen en toutes circonstances, il est intéressant de prendre conscience de l’impact de notre propre état émotionnel sur nos enfants. C’est sans doute un travail quotidien et une remise en cause continue, c’est en tout cas comme cela que nous le concevons en ce qui nous concerne 🙂 C’est dans cette démarche que nous avons mis en place une routine musicale pour apaiser notre fils – et nous apaiser nous-mêmes, et que nous avons testé la méditation.
L’anxiété : inné ou acquis ?
Ici le consensus est double : il y a une part d’acquis et une part d’inné (génétique). En revanche, si intrication des deux il y a bien, la répartition entre inné et acquis n’est pas connue !
Sur ces sujets, le domaine relativement récent de l’épigénétique ouvre de nouvelles voies d’études pour comprendre la relation entre inné et acquis – plus complexe qu’il n’y parait !
Derrière l’angoisse, la peur de mal faire ou de décevoir
Dédramatiser les échecs
Derrière l’angoisse se cache souvent la peur de mal faire et de décevoir. Il n’est pas évident, mais important, d’apprendre à dédramatiser, à rire d’une erreur ou d’un échec pour dépasser l’angoisse.
A quoi sert de tomber ? Demandait son père au jeune Bruce Wayne à l’occasion d’une chute. A mieux se relever (in Batman Begins).
C’est en tombant que l’on apprend à marcher, dit l’adage. Au-delà des apprentissages moteurs, c’est tout aussi vrai pour les savoir-être, les savoir-faire et toutes les connaissances et compétences que développera l’enfant puis l’adulte.
C’est d’ailleurs entre autres sur ce principe qu’est basée la méthode Montessori, que vous pouvez découvrir dans un article dédié en cliquant ici.
Attention ou souci de perfection
Particulièrement chez les enfants précoces, les angoisses de performance sont fréquentes. La recherche de performance, qui peut être bénéfique, peut également devenir une contrainte que l’étiquette “précoce” vient renforcer. L’enfant doit alors continuer à “être ce que l’on nomme”. De manière générale, il faut éviter selon le professeur Duverger de “stigmatiser”, ou d’aposer une étiquette sur un enfant, qui vient le déterminer dans son caractère ou sa personnalité alors que ceux-ci peuvent évoluer.
L’effet pygmalion est l’une des conséquences de ces étiquettes attribuées parfois arbitrairement aux enfants. Nous vous conseillons cet article éloquent écrit par le site Des outils pour apprendre à ce sujet. L’effet pygmalion nous a fait nous-mêmes réfléchir à notre vision de l’éducation !
Enfant anxieux : Sources et ressources
- Interview du pédopsychiatre Pr Philippe Duverger : https://youtu.be/n5dQYQNvxUo
- https://www.anxiete.fr/troubles-anxieux/trouble-anxieux-generalise/anxiete/
Rétroliens/Pings