Vous êtes-vous déjà senti stupéfait ou désarmé face à l’intensité des émotions de vos enfants ? Nous souhaitons vous rassurer, nous aussi. La joie, la colère, la tristesse, tous les sentiments semblent décuplés chez nos tout-petits ! La perte d’un doudou parait la fin du monde, l’heure du bain une torture et les aliments sont un excellent moyen d’être soit émerveillé, soit dégoûté. Si tout apparaît plus excessif, c’est surtout parce qu’une grande partie de ces ressentis s’éveillent pour la première fois. Alors, comment comprendre les émotions de l’enfant et les accompagner au mieux ? Nous tentons d’y répondre dans cet article.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Nos contenus ne doivent en aucun cas être considérés comme des avis médicaux. Toute question médicale doit être adressée à un professionnel.
Sommaire
Quelle est la différence entre une émotion et un sentiment ?
De premier abord, vous n’auriez peut-être pas cru que ces deux mots véhiculent un sens différent. C’est vrai, nous les employons souvent comme synonymes, pourtant ils présentent quelques nuances. Pourquoi est-ce intéressant de questionner la signification de ces termes ? Si notre rôle consiste à accompagner le développement de nos enfants et donc à appréhender leurs émotions naissantes, ne faut-il pas comprendre comment elles fonctionnent ? La différence entre une émotion et un sentiment permet de faire un pas dans cette direction.
Tout d’abord, les émotions proviennent d’une réaction spontanée face à une situation. Celle-ci s’exprime alors par deux biais :
- psychologiques avec des pensées négatives ou positives, un changement d’humeur, etc. ;
- physiques avec des rougissements, une pâleur soudaine, l’accélération du rythme cardiaque, une respiration saccadée, une transpiration plus excessive, etc.
De ce fait, une émotion est une réaction physiologique et non psychologique. Chaque émotion s’associe d’ailleurs à une sécrétion d’hormones particulière dans le corps. Vous l’aurez compris, il s’agit ici de la joie, la honte, la peur ou la colère.
En revanche, les sentiments représentent un état affectif durable. Ils naissent, fleurissent et s’éteignent parfois. L’amour, la méfiance, l’insécurité ou le bonheur sont autant d’exemples parlants. Les sentiments font vivre des émotions variées et les émotions suscitent souvent des sentiments. Si votre tout-petit a ressenti de la peur face à un chien qui aboyait, alors il pourrait développer un sentiment d’insécurité ou de méfiance suite à cette expérience.
Comment s’exprime une émotion ?
L’image des montagnes russes fonctionne parfaitement pour envisager le cycle d’expression de l’émotion. En effet, elle suit toujours le même parcours :
- La charge : nos enfants montent dans un manège qui s’emballe et escalade une pente raide à vive allure. Alors que la vitesse s’accélère, les sensations physiques apparaissent. Ici, le corps lance l’alerte, déclenchant gorge sèche ou rythme cardiaque effréné.
- La tension : le manège a atteint le sommet de son ascension et s’apprête à redescendre avec une force multipliée. La pression est telle qu’il est impossible de ne pas l’extérioriser dans un cri ou un geste brusque.
- La décharge : la cadence ralentit, le manège se stabilise. Le pic est dépassé, mais l’émotion est encore vive. Nos enfants, essoufflés par l’expérience, se laissent envahir par les pleurs et les tremblements.
Ce circuit émotionnel est d’autant plus bouleversant qu’il ne dure que 90 secondes en moyenne. Tous les humains, quels que soient leurs âges, connaissent le même périple au cours de leur vie. En tant qu’adultes, nous parvenons à mieux analyser la venue des émotions, cette première phase renversante. Lorsque nous ressentons de la colère, nous sommes capables de l’identifier comme tel, ce qui n’est pas le cas de nos enfants. Ils vivent un raz-de-marée intérieur, sans savoir comment sortir de la tempête.
Apprendre à contrôler et à maîtriser ses émotions est le travail de toute une vie, néanmoins nous pouvons aider nos petits à commencer cette aventure sur des bases solides.
Comment évoluent les émotions au fil des ans ?
Avant de nous concentrer sur la façon dont nous pouvons accompagner nos enfants dans leurs émotions, intéressons-nous d’abord à l’évolution de celles-ci au cours de leurs premières années de vie.
La découverte des émotions primaires
Aussi appelées émotions de base ou universelles, elles constituent les premiers chamboulements ressentis par nos enfants. Lors de la première année, elles sont au nombre de six : la joie, la colère, la tristesse, le dégoût, la surprise et la peur. Ces émotions se manifestent par l’expression du visage : un froncement de sourcils, des yeux grands ouverts, une moue… Les traits de nos bébés se teintent de mille nuances pour exprimer leurs premiers ressentis et c’est une expérience aussi drôle que surprenante.
De la même façon, nos tout-petits décèlent les émotions de leurs proches, et plus particulièrement de leurs parents, grâce aux expressions sur leurs visages. Cependant, ils ne sont pas encore en mesure de les décoder.
L’enrichissement des émotions secondaires
Entre 15 et 24 mois, nos bébés éprouvent des émotions liées à la conscience de soi, comme la jalousie (ce fameux jouet de l’autre, bien plus beau que le sien) ou la gêne. À ce moment-là de leurs croissances, ils enrichissent leurs ressentis grâce à la découverte de leur individualité. Leur ancienne dépendance cède place à un besoin d’autonomie et à une complexification de leurs sensations. Nous évoquions d’ailleurs la phase du « non », si caractéristique de ce stade du développement de nos enfants, dans cet article à propos du terrible two.
Le développement de la pensée et de la raison
En grandissant, le spectre des émotions se densifie davantage. Nos enfants parviennent à mieux contrôler leurs ressentis et parviennent à prendre de la distance. Lorsqu’à 3 ans notre petit costaud s’effrayait devant les costumes d’Halloween, il comprend, deux ans plus tard, que des personnes se cachent dessous et il n’éprouve plus la même peur. Dorénavant, il saisit mieux le monde qui l’entoure et il peut donc analyser la situation d’une manière nouvelle. Il possède un historique d’émotions qui lui sert de référence et qui peut alors l’aider.
Quel que soit le stade où se trouvent nos enfants, nous pouvons leur apporter notre soutien bienveillant et notre oreille attentive pour qu’ils s’épanouissent au mieux.
Comment accompagner les émotions de l’enfant ?
Pour apprivoiser leurs émotions, nos enfants ont besoin d’observer nos propres réactions. Constater que nous traversons les mêmes phases, que nous ressentons des sensations similaires et que nous essayons, nous aussi, de gérer cette avalanche de ressenti, crée une impression positive. Plus nos petits grandissent, plus nous devons leur laisser la place nécessaire pour qu’ils s’expriment et apprennent à naviguer dans ce flot parfois mouvementé. Pour cela, l’écoute empathique permet de reformuler ce que vient de dire notre petit costaud afin de déceler le sens que les mots camouflent. Quelles en sont les étapes ?
Étape 1 : utiliser une communication non verbale
Une grande partie d’un message se transmet par le corps. Nous diffusons constamment des informations concernant notre état émotionnel et notre présence avec nos mouvements et notre posture. Lorsque nos enfants expriment une émotion, la première étape consiste à indiquer que nous sommes là, prêts à la recevoir. Plutôt que d’isoler notre petit costaud, restez dans la pièce avec lui.
Étape 2 : exprimer les ressentis de nos petits
Une fois que vous aurez manifesté votre présence, vous pourrez retranscrire ses paroles. Identifiez simplement l’émotion : « je vois que tu es en colère », « tu as l’air surpris », « tu sembles triste ». Les mots servent alors de contenant pour valider le vécu de nos enfants et l’accueillir sans jugement : « je vois que tu es en colère et que tu n’as pas du tout envie d’aller prendre le bain. Tu as le droit de ne pas en avoir envie et de préférer continuer à jouer. Nous allons quand même aller nous doucher. ». Sachez qu’entendre l’émotion ne signifie pas forcément céder ou tolérer un comportement. Néanmoins, en reconnaissant son existence, vous aidez déjà votre petit costaud à se sentir compris et à accepter la situation.
Étape 3 : laisser de la place pour que l’émotion existe
Nous l’avons évoqué précédemment, l’émotion connaît trois phases. Afin qu’elle s’apaise, elle doit donc passer par une période de décharge. La tension accumulée s’exprime alors à travers des pleurs, des tremblements, parfois même des cris. Quelle que soit sa réaction, encouragez votre petit costaud à aller au bout de son émotion : « pleure si tu en as besoin », plutôt que : « arrête d’être triste » ou « ça ne sert à rien d’avoir peur ».
Étape 4 : échanger lorsque l’enfant est apaisé
Isabelle Filliozat, psychothérapeute, écrivaine et conférencière spécialiste des émotions, conseille d’éviter les questions qui commencent par « pourquoi ». Ainsi, plutôt que demander « pourquoi tu pleures ? », préférez « qu’est-ce qui s’est passé ? » ou « qu’est-ce que tu as ressenti ? ». Cette phase permet de faire le point sur les événements et de mieux les comprendre.
Les activités qui apprivoisent les émotions de l’enfant
Pour apprendre à contrôler ses émotions, nos petits doivent d’abord les reconnaître. Ainsi, vous pouvez vous servir de livres illustrés pour associer l’histoire racontée à un décryptage des émotions des personnages. Profitez de cet instant de calme pour demander ce que ressent tel ou tel protagoniste, ce qu’il pourrait faire pour être moins en colère ou pour avoir moins peur.
Nos enfants sont particulièrement réceptifs aux jeux, que ce soit pour apprendre ou extérioriser toute l’énergie qu’ils contiennent. Le jeu des mimes consiste à imiter une émotion, ce qui peut permettre de la reconnaître grâce à sa manifestation physique.
La roue des émotions sert également dans ce processus d’identification. Vous pouvez la fabriquer en découpant simplement un cercle dans un carton et en le divisant en zones. Demandez ensuite à votre petit costaud d’associer une couleur à un ressenti et de l’insérer dans une des parties. Enfin, installez une aiguille pour qu’il puisse désigner l’émotion ressentie facilement.
Même en essayant d’appliquer les indications de l’éducation bienveillante à la lettre, nous ne sommes pas parfaits et nous pouvons avoir plus de mal à gérer les émotions de nos enfants certains jours. Tout d’abord, sachez que vous faites du mieux que vous pouvez et que c’est déjà énorme. Nous savons combien il est difficile de faire face à l’épuisement et au stress du quotidien, c’est pourquoi nous partageons deux exercices de relaxation spécialement conçus pour les parents.
Sources :
• A. Palama, A. Theurel, E. Gentaz, « Le développement des émotions primaires durant l’enfance », dans la revue Médecine & Enfance, Rubrique Sciences Cognitives (dirigée par E. Gentaz, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève et CNRS), septembre 2017, pp 195-201.
• Isabelle Filliozat, Au cœur des émotions de l’enfant, Marabout, 1999.
• Paul Ekman, Théorie des émotions fondamentales.
• Ekman P., Sorenson E.R., Friesen W. V. : « Pan-cultural elements in facial displays of emotion », Science, 1969 ; 164 (3875) : 86-8.
• Nathalie Vallerand, Nathalie Parent, « Les émotions de nos enfants », Magazine Naître et grandir, février 2014.
Derniers commentaires