Le parcours de la prématurité est loin d’être un long fleuve tranquille. Même si elle représente 8 % des naissances, nous sommes bien peu à connaître le quotidien de l’hospitalisation avec son cortège d’examens et sa nuée d’angoisses. Face à ce chemin déjà bien peu balisé, le système médical français sépare souvent les bébés et les parents, créant un profond sentiment de double peine. Malgré le travail remarquable des soignants, rien ne saurait remplacer la présence sécurisante des parents et c’est pour contrer cette réalité qu’a été établie la charte du nouveau-né hospitalisé. Partagée à l’occasion de la Journée Mondiale de la Prématurité du 17 novembre, elle s’inscrit dans une démarche de sensibilisation et de prévention essentielle pour soutenir les familles et offrir des conditions de soins adaptés aux bébés nés en avance. Quels principes met-elle en avant ? Nous vous proposons de découvrir son contenu plus en détail dans cet article.
Nous ne sommes ni médecins ni psychologues. Toute question de santé doit être posée à un professionnel. Cet article a pour objectif de sensibiliser aux enjeux de la prématurité.
Sommaire
Qui est à l’initiative du projet ?
Selon une étude menée par l’association SOS Préma, 39 % des mères d’un bébé hospitalisé à la naissance n’ont pu rencontrer leur nouveau-né que 5 heures après leur accouchement. Ces chiffres augmentent d’ailleurs à 54 % pour les mamans ayant reçu une césarienne. Pourtant, les recherches mettent en évidence l’importance des premières heures pour créer un sentiment d’attachement.
Face à ce constat, trois acteurs ont élaboré la charte du nouveau-né hospitalisé avec un objectif clair : mettre fin à la séparation entre les parents et leurs enfants. Ainsi, Adrien Taquet (Secrétaire d’État de l’enfance et des familles), la Société Française de Néonatologie (SFN) et l’association SOS Préma s’appuient sur la théorie de l’attachement pour établir les parents comme véritables partenaires de soins.
Constituée de 10 besoins essentiels, elle s’inscrit dans la continuité du parcours des 1 000 premiers jours mis en place par le président de la République en septembre 2019. Gaël et Laure retraçaient d’ailleurs leur expérience et partageaient leurs ressentis concernant ces mesures dans cet article sur l’accompagnement de la prématurité.
Pourquoi mettre en place une charte du nouveau-né hospitalisé ?
L’hospitalisation des nouveau-nés relève d’un enjeu de santé publique majeur. L’association SOS Préma met en avant ce sujet de société avec un bilan effarant (et encore largement méconnu) sur l’état actuel des chiffres en France. Sur 800 000 naissances par an, 75 000 concernent des bébés hospitalisés, dont 60 000 sont prématurés. Parmi eux, 2 000 enfants décéderont à la naissance, tandis que dans les mois qui suivent, 2 000 à 3 000 nouveau-nés perdront également la vie. Par la suite, 3 000 seront porteurs de handicaps et 12 000 connaîtront des retards de développement.
Pour mieux comprendre l’urgence de la question, nous vous invitons à regarder cette vidéo éclairante où intervient Charlotte Bouvard, présidente du Collectif Prématurité, directrice-fondatrice de SOS Préma et le professeur Elie Saliba, vice-président du Collectif Prématurité, président de la Société Française de Néonatologie, deux acteurs de terrain à l’origine de la charte du nouveau-né hospitalisé.
La charte du nouveau-né hospitalisé répond à une logique de prévention afin de préserver l’égalité des chances à la naissance. Elle promeut un accueil en parfaite adéquation entre les besoins de l’enfant et le soutien aux parents. Une action ô combien essentielle pour faire face à l’incertitude constante de cette période et à l’univers ultra-médicalisé, qui bien que nécessaire, est souvent source d’inquiétude.
Quels sont les principes de la charte ?
Trois mots clés : la proximité, la réciprocité et l’engagement
Pour établir une charte efficace, il faut avant tout que les fondations soient solides. Pour cela, une équipe de chercheuses en sciences infirmières a défini des piliers fondamentaux pour soutenir l’attachement entre un bébé et ses parents dans les soins. Ils se résument à trois concepts clés interdépendants : la proximité, la réciprocité et l’engagement. De quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, la notion de proximité correspond à l’expérience physique et émotionnelle vécue par les parents avec leur enfant. Il s’agit du contact avec son bébé, le fait de pouvoir le porter, le sentir, mais aussi le regarder. Ces gestes affectueux éveillent des sentiments de confiance et d’amour précieux. Nous évoquions d’ailleurs dans cet article combien l’échange et l’attachement sont les clés de l’éveil et du développement de nos bébés. En vivant ainsi l’un près de l’autre, les parents peuvent prendre conscience des besoins de leurs enfants et y répondre de manière adaptée.
La réciprocité consiste à créer un processus interactionnel entre les parents et leur bébé. Ces rapports permettent de créer un environnement soutenant. Le nouveau-né est ici envisagé comme un partenaire actif de son développement. En observant ses intentions, les parents sont en mesure d’établir une relation solide et de réagir à ses attentes.
Enfin, l’engagement sous-entend l’établissement d’une relation stable pour que les parents se sentent engagés et responsables de leur enfant. Ainsi, ils construisent peu à peu une identité parentale et un sentiment de légitimité dans leurs rôles. Ces trois enjeux se retrouvent à travers les 10 préconisations de la charte du nouveau-né hospitalisé.
Favoriser le « zéro séparation » en répondant à 10 besoins essentiels
1. Une présence continue dès la naissance
Dès les premiers instants, sans restriction, au moins l’un des deux parents ou une personne de confiance, doit pouvoir se tenir près du nouveau-né et ce tout au long de l’hospitalisation.
2. De meilleures conditions pour créer le lien d’attachement
Les parents et les soignants partagent leurs connaissances pour comprendre les réactions du bébé et entrer au mieux en relation avec lui. Cela passe par le contact physique, mais aussi par la voix ou le regard.
3. Du contact peau à peau quotidien
Nous vous parlions de la richesse sensorielle du peau à peau quotidien, ce point de la charte le revendique également. Il invite ainsi au moins l’un des parents, ou une personne de confiance désignée, à pratiquer le peau à peau de façon prolongée au cours des 24 heures suivant la naissance, puis tout au long de l’hospitalisation.
4. Du colostrum maternel sans restriction
Dès la salle de naissance, la mère doit pouvoir, si elle le souhaite ou le peut, donner son colostrum (1er lait) à son bébé, en l’absence de contre-indication médicale bien sûr. Pour cela, l’équipe soignante doit être à même de renseigner et d’accompagner la mère sur la façon de nourrir son enfant.
5. La possibilité de téter au sein ou au biberon
Cette mesure invite à offrir la possibilité de téter ou de donner le biberon dès que le bébé est en mesure de le faire (la déglutition se met en place vers 34 semaines). Comme pour le point précédent, il est essentiel que l’équipe soignante accompagne cette phase de manière bienveillante, quel que soit le choix de la mère. Nous parlions de cette question de l’allaitement maternel pour les bébés prématurés dans cet article.
6. Un environnement confortable
« Un service de néonatalogie sans mesure de maitrise des niveaux sonores et autres éléments stressants, c’est un peu comme un aéroport » évoquaient Laure et Gaël dans l’article consacré au 1 000 premiers jours.
Pour améliorer la qualité de vie des parents, des enfants et des soignants, l’environnement doit être adapté tant au niveau de la luminosité, que du son ou des odeurs. En effet, la peau, les poumons ou le système digestif d’un bébé prématuré n’ont pas encore atteint le stade de maturité, c’est pourquoi la plus grande attention doit être portée sur ce point.
7. La participation des parents aux soins
Cette mesure évoque un aspect essentiel : celui d’avoir un rôle actif auprès de son bébé et de prendre sa place de parents. Ainsi, de concert avec les professionnels de santé, les parents s’investissent dans les soins prodigués à leur nouveau-né.
8. Une mise en valeur du rôle protecteur des parents
Lorsque le bébé manifeste un inconfort ou de la douleur, les parents doivent pouvoir en discuter avec l’équipe soignante afin de trouver le meilleur moyen de le soulager. Ils participent ainsi à la prise en charge de son bien-être.
9. Des informations accessibles et compréhensibles
Gaël et Laure mentionnaient combien la devise « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » était source de stress dans le contexte d’hospitalisation de leur nouveau-né. Car s’il y a bien un aspect sur lequel les parents ne souhaitent pas être mis de côté, il s’agit bien de l’état de santé de son bébé. Cette mesure incite donc l’équipe médicale à partager les informations de manière claire et transparente.
10. Une prise en charge individualisée
Chaque situation est unique et doit être valorisée par un accompagnement qui l’est tout autant. Nous partagions à ce sujet plusieurs témoignages concernant la prématurité qui éclairent sur la diversité des parcours. En effet, deux enfants nés au même moment n’auront pas le même cheminement, c’est pourquoi la prise en charge doit se rapprocher le plus possible de l’expérience particulière des familles.
L’ensemble du communiqué de presse est disponible ici si vous souhaitez le consulter.
Comment soutenir cette initiative afin qu’elle soit appliquée dans tous les services de néonatalogie ?
La charte du nouveau-né hospitalisé sera diffusée dans 490 services de néonatalogie en France et c’est déjà un pas de plus pour sensibiliser sur le sujet. Pour aller encore plus loin, l’association SOS Préma a mis en place une pétition à destination des candidats à l’élection présidentielle pour qu’elle soit mise en œuvre plus largement et surtout que la politique de santé publique ne néglige pas de prendre soin des plus petits et des plus fragiles. Si vous souhaitez la signer, vous la trouverez sur ce lien. Vous pouvez également soutenir l’association de plusieurs manières, que nous vous invitons à découvrir ici.
La prématurité est un sujet souvent tabou, car il démystifie la grossesse et la naissance idéalisée. Néanmoins, cette réalité touche des milliers de parents chaque année et il est du devoir de notre société de ne pas laisser cette question de côté. Cette charte du nouveau-né hospitalisé, ainsi que le parcours des 1 000 premiers jours, repose sur la nécessité d’un accompagnement plus adapté. Un combat qui est à la genèse de Petit mais Costaud.
À notre échelle, nous souhaitons répondre aux interrogations des parents en néonatologie et les soutenir dans leurs parcours. Dans cette optique, nous avons co-créé avec des soignants un guide d’accompagnement complet qui répond à toutes les questions que nous pouvons nous poser pendant l’hospitalisation de notre petit costaud.
Pour aller plus loin sur ces recommandations, le communiqué de presse de la charte du nouveau-né hospitalisé conseille de consulter :
- C. Dageville, F. Casagrande, S. De Smet, P. Boutté. Il faut protéger la rencontre de la mère et de son nouveau-né autour de la naissance. Archives de Pédiatrie Vol 18, Issue 9 2011 p 994-1000.
- EBP : https://www.best-sante.ch/ebp/quest-ce-que-lebp/
- IHAB France (Initiative Hôpital Ami des Bébés) : https://www.i-hab.fr/le-programme-ihab/12-recommandation-s-ih
- Le Groupe de Réflexion et d’Évaluation de l’Environnement du Nouveau-né (GREEN) de la Société Française de Néonatologie propose des recommandations en français, accessibles sur le site internet de la SFN pour l’implantation des Soins Centrés sur l’Enfant et sa Famille.
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