La fin de l’hospitalisation marque le commencement d’un nouveau chapitre, souvent attendu, mais parfois redouté par les parents. Désormais, les familles doivent quitter le cadre rassurant des services de néonatologie pour retrouver leurs repères chez eux, une transition bouleversante et parfois tétanisante. Comment se sentir soutenus après ce séjour à l’hôpital et où trouver de l’aide ? Les CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce) proposent un accompagnement et une coordination des soins pour les enfants de 0 à 6 ans. Ce soutien pluridisciplinaire représente une ressource incroyable pour les parents qui se sentent perdus de retour à la maison. Pour mieux comprendre le fonctionnement de ces structures de soin, nous avons rencontré Fanny Marchand, psychomotricienne du CAMSP de Trappes (appartenant au Centre Hospitalier de Versailles) dans les Yvelines. Nous la remercions grandement d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !
Sommaire
Qu’est-ce qu’un Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) ?
Lieu de prévention, de soin et d’orientation, le Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) met en place un suivi global et pluridisciplinaire pour les enfants de 0 à 6 ans présentant des difficultés de développement ou des facteurs de risque :
- des troubles instrumentaux : difficultés d’apprentissage, retard et troubles du langage, retard des acquisitions, retard psychomoteur, etc. ;
- des troubles de la personnalité : communication et interactions sociales difficiles, problématiques liées au sommeil ou à l’alimentation, etc. ;
- des déficiences motrices, mentales ou sensorielles (visuelles, auditives).
La prévention étant une part importante des missions du CAMSP, les parents de bébés prématurés peuvent, à la sortie de l’hospitalisation, s’orienter vers le CAMSP pour le suivi médical et l’accompagnement du développement de leur enfant, mais également pour y trouver du soutien.
La plupart du temps, les séances et les rencontres ont lieu au sein du CAMSP. Néanmoins, les professionnels peuvent intervenir dans les lieux de vie de l’enfant, que ce soit à domicile pour aider les parents, ou dans les crèches, pour accompagner les professionnels de la petite enfance dans l’adaptation de leurs pratiques aux besoins de l’enfant.
Aucune prescription médicale n’est nécessaire pour s’inscrire dans un Centre d’Action Médico-Sociale Précoce. Ce lieu d’accueil est financé à 80 % par l’Assurance maladie et à 20 % par le Conseil départemental. De ce fait, aucune participation financière n’est demandée aux familles.
Les frais de transport des enfants pris en charge au CAMSP sont remboursés par la Sécurité sociale dans le cadre d’une prescription médicale de transport de votre pédiatre et avec demande d’accord préalable.
Quel est l’objectif du réseau CAMSP ?
Le réseau CAMSP a pour objectifs de :
- prévenir et réduire l’aggravation du handicap chez les enfants nés dans un contexte à risques (prématurité, souffrance fœtale, convulsion, etc.) ;
- dépister et établir un diagnostic précoce des déficits et troubles de l’enfant ;
- soutenir et aider d’un point de vue administratif, social et éducatif ;
- accompagner les familles, entendre leurs inquiétudes et répondre aux questions ;
- agir pour favoriser le développement optimal de l’enfant, son bien-être et son intégration ;
- former et informer les partenaires de la petite enfance et de la santé.
Comment fonctionne l’accompagnement en CAMSP ?
Pour mieux comprendre l’accompagnement proposé, nous avons eu la chance de rencontrer Fanny Marchand, psychomotricienne au CAMSP de Trappes (du CH de Versailles) dans les Yvelines.
Une première consultation médicale
Le premier rendez-vous au CAMSP est une consultation médicale, pour comprendre les besoins de votre enfant, réaliser un examen et évaluer la situation. À l’issue de cette rencontre, le médecin orientera les familles vers l’équipe pluridisciplinaire présente dans le CAMSP. Si besoin, des liens avec des professionnels extérieurs qui connaissent votre enfant pourront être établis pour mieux coordonner les soins.
À partir de cette consultation médicale, le·la médecin va orienter les enfants en fonction des besoins. Si les difficultés développementales sont marquées (troubles sensoriels importants, grand retard au niveau de la motricité, des interactions ou des manipulations par exemple) le médecin va chercher à mettre en place rapidement un suivi paramédical rapproché (kinésithérapie, orthophonie, psychomotricité, ergothérapie…). Celui-ci se fera au CAMSP et/ou en libéral en fonction des places disponibles auprès des professionnels.
S’il n’y a pas d’urgence de mise en place de soin rapproché pour l’enfant, mais qu’un accompagnement familial peut être soutenant, il sera alors proposé.
La procédure d’accompagnement varie en fonction de chaque enfant et des familles qui se présentent. L’orientation vers les différents professionnels dépend donc de cette première consultation médicale.
Une orientation vers des professionnels en fonction des besoins
L’équipe du CAMSP est généralement composée d’un ou de plusieurs :
- médecins pédiatres responsables des soins ;
- psychologues ;
- puéricultrices·teurs ;
- kinésithérapeutes ;
- psychomotricien·ne·s ;
- orthophonistes ;
- assistant·e·s de service social ;
- ergothérapeutes ;
- éducateurs·trices de la petite enfance ;
- secrétaires.
En fonction des structures, cette répartition peut bien sûr varier. Dans tous les cas, les corps de métiers se complètent toujours pour offrir un accompagnement global de l’enfant.
Par ailleurs, le CAMSP travaille avec de multiples partenaires régionaux de la petite enfance, du sanitaire, de l’éducation et du social. Ce lien permet de faire appel à des spécialistes pour des consultations afin de compléter un diagnostic par exemple ou pour d’autres besoins.
La guidance parentale
Le CAMSP où travaille Fanny Marchand fait partie de ceux qui ont mis en place un accompagnement spécifique pour répondre aux besoins des plus petits, dès les premiers mois. Afin d’aider les parents à prendre leur place, se faire confiance et gagner en autonomie, ce CAMSP propose des guidances parentales. Dans ce programme et à travers le processus de soutien du CAMSP, les spécialistes vont « vraiment prendre en compte les conséquences qu’il peut y avoir suite à l’hospitalisation et aux soins. »
Fanny évoque les répercussions d’un séjour prolongé à l’hôpital et l’impact que cette période a sur le regard des parents :
« Dans le service hospitalier, les parents savent si leur enfant va bien ou non, parce qu’ils regardent les écrans présents et écoutent les petits bips qui les entourent. Quand il n’y a plus ces sons, plus de moniteurs, plus d’équipes médicales et que les parents se retrouvent seuls avec leur enfant, je vois souvent qu’ils ne se font plus confiance pour interpréter leurs pleurs, leurs mouvements ou leurs petites mimiques. Mon rôle va être de leur redonner confiance. »
Exemples d’accompagnements
Le but de ces accompagnements va être de réapprendre à lire son bébé, en prenant en compte les réactions qui peuvent être en lien avec l’hospitalisation prolongée.
Pour mieux saisir ces enjeux, Fanny décrit deux situations fréquentes qu’elle rencontre :
« Les enfants ont été alités assez longtemps. Pendant toute cette période, ils n’ont pas eu l’habitude de vivre des variations d’inclinaison. De ce fait, certains d’entre eux vont avoir du mal à passer de la position allongée à assise et vice-versa. D’autres vont avoir besoin de balancements, avec une vitesse et une façon de faire qui est très précise, sinon ils se désorganisent.
Ces enfants vont alors beaucoup pleurer et on ne va pas comprendre pourquoi. Les parents se disent : “à chaque fois que je le change, il pleure”. En fait, c’est la bascule, ou le changement d’inclinaison de la tête, qui est en cause, parce qu’il n’y a pas eu toutes ces possibilités de mouvements durant le temps d’hospitalisation en néonatalogie. L’enfant ne sait donc pas les gérer.
Une autre situation fréquente sera les enfants qui ont des réactions sensorielles fortes, au niveau du toucher. Les enfants ont eu tellement de soins invasifs durant l’hospitalisation, qu’ils peuvent ne plus supporter les soins corporels basiques. Ou encore, il est possible qu’il n’acceptent d’être touchés que par leurs parents. En effet, l’enfant connaît parfaitement leur chaleur, leur odeur, leurs gestes et cela leur est donc prévisible. D’autant plus que les parents se sont généralement très bien ajustés à ce qui est supportable pour leur enfant. Dès que quelqu’un d’autre intervient, cela met ces enfants en difficulté.
Ce sont des choses que l’on va vraiment surveiller avant la première rentrée scolaire. Si un enfant ne supporte pas d’être touché, qu’il se sent gêné par une étiquette ou une pression, l’arrivée dans une cour d’école avec tous les autres enfants, qui bousculent, qui se rencontrent par le contact, peut être compliquée. »
Dans ces situations, les professionnels du CAMSP se tiennent aux côtés des familles pour faire évoluer ces ressentis.
Une participation à des groupes de parents
Pour accompagner les familles, le CAMSP propose des séances individuelles, comme nous venons de le voir, et des rencontres collectives. Ces échanges apportent un volet différent, souvent complémentaire, aux soins proposés individuellement.
« Je travaille avec une éducatrice de jeunes enfants. Souvent, nous rencontrons les familles ensemble ou individuellement, cela dépend. Soit nous sentons que le besoin va être plutôt au niveau individuel, quelque chose de très cocon, au niveau de l’enfant et c’est tout, soit nous sentons que le besoin des parents va plutôt être d’avoir le regard en miroir d’autres parents, de pouvoir échanger, et dans ce cas-là nous allons proposer des rencontres en petits groupes.
Ce n’est pas figé, parfois on se laisse plus de temps, on ne décide pas dès la première fois, parfois on commence l’un et on bascule sur l’autre, parfois c’est l’inverse, parfois on fait les deux en parallèle. »
« Les groupes sont découpés en plusieurs parties : un temps de comptine au début, un temps de balancement et de bercement à la fin. Ces temps ont pour but de recréer du lien avec son enfant. Puis au milieu, des temps de parole, de manipulations et de jeux dans lesquels nous allons jongler en fonction des besoins des familles et de leurs demandes. »
L’accompagnement psychomoteur
Une fois l’accompagnement organisé après la première consultation médicale et les problématiques identifiées, comment se déroule une séance ? Fanny nous propose un aperçu concret d’une séance individuelle de guidance parentale et de son double objectif : surveiller de bon développement psychomoteur de l’enfant et rassurer les parents dans leur rôle.
« Le déroulement d’une séance peut être simplement de bercer l’enfant ensemble et d’observer comment il s’apaise ou non. Nous allons le regarder, noter ses mimiques et nous demander : qu’est-ce qui ne va pas à ce moment-là ? Là il gigote, il est bien, il n’est pas bien, pourquoi ? Qu’est-ce qui le gêne ? Qu’est-ce qui ne le gêne pas ? Qu’est-ce qu’il aime ou n’aime pas, comment aime-t-il être porté ?. En amenant les parents à décrire corporellement leur enfant, ils se rendent compte qu’ils savent.
Il y a un moment très important dans le déroulement des séances, que j’aime beaucoup. Dès le début de la prise en charge, en ensuite régulièrement, je répète aux parents : “si je vous propose quelque chose qui ne convient pas à votre façon de faire ou à votre manière d’être en lien avec votre enfant, dites-le-moi, c’est vous les parents.”
Au début, ils me disent “oui, oui” d’une manière détachée. Et puis, il y a toujours un moment dans la séance où je vais proposer quelque chose d’un peu décalé par rapport aux besoins de l’enfant, volontairement ou pas, et là le parent va me dire : “ben non, là c’est ça qu’il veut dire, c’est ça” en regardant juste le haussement de sourcils ou une autre gestuelle. C’est le moment où ils se rendent compte qu’ils savent. »
Au sujet de la psychomotricité, nous avions également rencontré Sandra du service de néonatalogie et réanimation néonatale de l’hôpital Béclère. Si ce sujet vous intéresse, vous trouverez de nombreux conseils et explications dans son interview.
Un soutien psychologique à la demande
Le soutien psychologique est proposé lors de la première consultation médicale, bien qu’il ne soit jamais obligatoire. Souvent, les parents ne saisissent pas immédiatement cette proposition. Les professionnels du CAMSP peuvent relancer les parents s’ils sentent un besoin profond à ce niveau-là ou si le vécu est si traumatique qu’il freine la prise en charge.
La rencontre peut aussi s’établir de manière plus informelle, par exemple au cours d’un rendez-vous autour de la psychomotricité. De cette manière :
« On ne se retrouve pas dans le bureau de la psychologue, mais tous sur un tapis autour de l’enfant, ça peut permettre de désacraliser cette rencontre ».
Dans la même idée, le·la psychologue peut se joindre aux activités de groupe. Ainsi, les parents identifient la personne comme ressource, peuvent l’aborder au cours de ce temps-là et prendre rendez-vous par la suite en connaissant déjà l’intervenant·e.
Un suivi médical jusqu’à 6 ans
Les enfants pris en charge dans un CAMSP rencontrent généralement le médecin tous les 6 à 9 mois, en fonction de leur âge, pour une consultation médicale jusqu’à 6 ans. Ce suivi permet de personnaliser les soins à chaque étape du développement et d’adapter les besoins selon le parcours.
Parfois, les visites avec les différents intervenants se rapprochent et s’intensifient en raison d’une problématique qui émerge à un moment donné. D’autres fois, au contraire, les rendez-vous s’espacent en raison d’un état plus stabilisé. Dans tous les cas, les consultations médicales régulières assurent une prise en charge au plus près des besoins de l’enfant.
« Généralement, dans le cas des guidances parentales, même si l’enfant va bien, les médecins demandent de continuer les rendez-vous au moins jusqu’à l’entrée à l’école. Souvent, c’est à ce moment-là que nous voyons arriver de petites choses au niveau sensoriel, de l’attention ou que les petites gênes dont on parlait tout à l’heure viennent prendre de la place et empêchent l’enfant de se concentrer.
En suivi, même espacé, je ne lâche pas les enfants l’année de l’école. Ensuite, même si j’arrête, il est possible qu’après une consultation, le médecin me demande de reprendre un œil sur le développement psychomoteur de l’enfant, dans ces cas-là, je le revois en guidance ou nous réalisons des consultations conjointes. »
En plus des rendez-vous établis dans le cadre de la prise en charge, Fanny rappelle aussi la présence continue que les professionnels du CAMSP proposent aux parents :
« On est aussi les interlocuteurs pour répondre rapidement, même si c’est juste un coup de fil. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises questions, on n’attend pas quand il s’agit de calmer les inquiétudes. »
Et en dehors du CAMSP ?
Même si vous avez accès au suivi pluridisciplinaire du CAMSP, vous pouvez tout à fait avoir recours à des professionnels en libéral pour compléter la prise en charge de votre enfant.
Si votre lieu de résidence ne possède pas de lieu d’accueil ou que la liste d’attente ne vous permet pas de bénéficier de ce suivi, cette option permet tout de même de trouver du soutien et un accompagnement après l’hospitalisation.
Pour connaître la prise en charge proposée sur votre secteur, vous pouvez demander aux services de néonatalogie de vous renseigner sur ce sujet au moment de la sortie de l’hôpital.
Comment s’inscrire et prendre rendez-vous dans un CAMSP ?
Pour intégrer un CAMSP, vous pouvez contacter le secrétariat de l’antenne la plus proche de votre domicile. D’autre part, la prise en charge s’effectue souvent sur les conseils d’un médecin, d’un travailleur social ou parfois même par le biais de l’enseignant de l’enfant.
Vous remplirez un dossier d’inscription soit avec la secrétaire lors de ce premier contact téléphonique, soit à compléter chez vous. À l’issue de cette démarche, un rendez-vous pour une première consultation pourra vous être proposé.
Cependant, les délais d’attente sont généralement longs, même s’ils varient selon les CAMSP.
Cette carte interactive vous permettra de trouver un CAMSP proche de chez vous.
Malgré une présence étendue sur tout le territoire, l’action des CAMSP reste encore peu connue à la sortie de l’hôpital. Nous espérons que cette présentation vous aura permis d’en apprendre davantage sur cet accompagnement pluridisciplinaire proposé par ces lieux d’accueil. Nous tenons à remercier Fanny Marchand pour le temps qu’elle nous a accordé pour échanger avec passion sur son métier et le fonctionnement du CAMSP. Si vous cherchez d’autres ressources, nous avons également recensé des associations d’aide à la prématurité en France, en Belgique et en Suisse pour vous accompagner dans votre parcours. Vous trouverez de nombreuses initiatives pour créer du lien, s’informer et trouver du soutien. Dans cet article, nous parlons également des aides financières pour les parents de bébés prématurés.
Nous serions ravis d’entendre votre retour d’expérience avec le réseau CAMSP, n’hésitez pas à nous écrire par le biais de notre formulaire de contact, en commentaire de cet article ou sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram).
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