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La boîte à outils de l’entourage pour épauler les parents pendant la transition de l’hôpital à la maison
Le retour à la maison ouvre une nouvelle ère pour les familles. Le·la petit·e costaud devient chaque jour plus autonome et peut désormais quitter le service de néonatologie. Après des semaines avec l’équipe médicale, les parents peuvent désormais rejoindre leur domicile et créer une nouvelle routine avec leur bébé. Pourtant attendue, cette transition ne manque pas de susciter des angoisses pour les parents. L’hôpital, malgré son univers hyper-médicalisé, représentait une bulle protectrice qu’il faut désormais délaisser. Comment, en tant qu’entourage, pouvez-vous aider les parents de bébés prématurés lors du retour à la maison ? Avec Séverine Prat, ex-infirmière en réanimation néonatale, aujourd’hui spécialisée en ostéopathie périnatale et pédiatrique, nous envisageons des pistes pour accompagner les parents durant cette transition.
Cet article a été écrit en collaboration avec Séverine Prat. Un grand merci à elle de partager ses conseils et son expérience.
Ce volet se concentre sur le soutien à apporter aux parents de bébés prématurés lorsqu’ils peuvent rentrer chez eux. Cet article fait suite à deux précédents sujets qui partageaient des pistes pour les accompagner au moment de la naissance et durant toute la durée de l’hospitalisation.
1. Donner des conseils lorsqu’ils sont demandés
Quand les parents rentrent à la maison après l’hospitalisation de leur petit·e costaud, leurs repères se trouvent chamboulés. Petit à petit, ils doivent retrouver leurs marques et l’adaptation prend du temps. Aussi, il est essentiel de leur fournir l’espace nécessaire pour qu’ils puissent appréhender cette nouvelle réalité. Vous pouvez bien sûr être présents si les parents en ressentent le besoin et continuer à les aider d’un point de vue pratique avec les repas par exemple. Néanmoins, essayez de connaître leurs souhaits quant à votre présence et de respecter leur rythme.
De la même manière, les parents effectueront sûrement des choix différents des vôtres ou de ceux de votre entourage. Tout conseil est bon à donner si les parents se trouvent en demande et se montrent réceptifs. En revanche, les recommandations excessives de l’ordre du : « tu devrais faire ça », « pense plutôt à faire ça » ou « à mon époque, on faisait comme ça » s’avèrent rapidement insupportables, d’autant plus dans ce contexte.
Il existe bien sûr, comme dans toutes les familles, le fossé générationnel qui agit pour chaque naissance. Néanmoins, gardez en tête que les parents sortant de néonatologie auront à l’esprit toutes les recommandations du service et souhaiteront certainement les appliquer. Aussi, dès que vous constatez quelque chose qui vous interpelle, essayez de vous demander s’il y a des directives des soignants derrière avant d’intervenir avec effroi : « quoi tu ne mets pas de tour de lit ?! Mais nous on t’en mettait ! ».
Plutôt qu’un jugement, vous pouvez poser la question pour connaître les motivations de cette pratique : « je vois que vous faites comme ça, qu’est-ce qui vous a amené à prendre cette décision ? ». Les parents pourront répondre qu’à l’hôpital on leur a conseillé de ne pas mettre de tour de lit et vous pourrez alors demander des informations complémentaires, les raisons qui justifient cette absence. Il est essentiel de ne pas confronter les pratiques d’une époque sans l’expérience de l’hospitalisation à celles d’une longue présence à l’hôpital au cours de laquelle de nombreux conseils ont été prodigués aux parents, pour de bonnes raisons.
Le fait d’entrer en conflit avec les agissements des parents déclenche des défenses psychologiques importantes. Cette sensation d’agression peut amener les parents à penser qu’ils n’agissent pas de la bonne manière, qu’ils ne sont pas à la hauteur. D’autant plus que ces réactions découlent elles-mêmes de vos propres conditionnements qui envisagent une nouvelle manière de faire comme un danger : « tu prends un risque à ne pas mettre de tour de lit ». À ce moment-là de leur parcours, il est essentiel de créer un cadre sécurisant pour les parents et de se positionner en accompagnant et non en sachant.
Ce travail de transition s’effectue aussi lors de l’hospitalisation à domicile (HAD). Les soignants qui interviennent dans ce cadre mettent en parallèle les actions réalisées à l’hôpital et les possibilités que le retour à la maison offre désormais. Ainsi, ils demandent toujours : « est-ce qu’on pourrait envisager de faire quelque chose d’autre ? Qu’en pensez-vous, qu’est-ce que vous avez envie de faire ? Est-ce que vous vous sentez prêts à faire autrement ? ». Le déconditionnement se met alors petit à petit en place afin que les parents se sentent progressivement en sécurité chez eux et en capacité de décider totalement.
2. Respecter le rythme des parents
Lors du retour à la maison, les parents n’ont pas oublié les semaines qui viennent de s’écouler, ils n’ont pas effacé ce qu’ils ont vécu et l’expérience peut rester douloureuse même un an plus tard, deux ans ou plus. Le traumatisme est ancré profondément et s’étend parfois sur des années. De ce fait, il est essentiel que les proches ne minimisent pas ce passé en disant : « c’est bon, maintenant c’est derrière toi, faut oublier, arrête ». Si la situation reste compliquée pour les parents, il faut accepter cette réalité, l’entendre et la respecter. Chaque personne possède son propre rythme et insister sur le fait que les événements sont terminés ne change en rien leur charge émotionnelle. Montrez-vous présent, vous pouvez même leur affirmer : « je comprends, le temps va aider, on est là pour te soutenir et t’accompagner » et rappeler les victoires remportées sur le chemin : « regarde, tout le parcours que ton· ta petit·e costaud a accompli ».
Ces sursauts de peur font partie du chemin de la guérison, une étape pour sortir du traumatisme. En effet, l’esprit commence peu à peu à s’apaiser, les émotions s’adoucissent et le cœur cicatrise. Et puis, d’un seul coup, les parents se rendent compte qu’ils ont relâché la pression, qu’ils ont arrêté de se surveiller. Dès lors, l’angoisse émerge, puissante et dévastatrice. Cette peur naturelle arrive spontanément et marque un changement. En connaissant ce processus, vous pouvez vous tenir prêt à accueillir cette émotion lorsqu’elle surgira.
Pour comprendre ce phénomène, vous pouvez imaginer un enfant qui a vécu une expérience effrayante et dont les nuits sont teintées de cauchemars par la suite. Pendant une semaine, la fréquence des cauchemars va être importante, puis, grâce à vos mots réconfortants et à votre présence, les mauvais rêves vont s’espacer. Parfois, ils peuvent revenir sans crier gare, mais après l’avoir consolé, votre enfant réussira à retrouver un sommeil apaisé.
3. Sortir de l’étiquette pour aider les parents de bébés prématurés au retour à la maison
Même si les parents aimeraient se raisonner et rationaliser leurs pensées, l’hospitalisation de leur petit·e costaud peut les laisser croire que leur enfant est fragile et nécessite une protection. Cet instinct protecteur s’active dès qu’un événement se passe, par exemple quand il ou elle va s’écorcher le genou. Pour un enfant né à terme, nous allons avoir de l’empathie et le soigner avec attention, pour un enfant né prématurément nous pouvons avoir envie d’appeler l’hôpital. Cette réaction échappe à tout contrôle mental et résulte des circonstances de la rencontre avec ce bébé qui ont imprimé des craintes profondes.
En parallèle, il est essentiel de ne pas garder l’image de « l’enfant prématuré de la famille » et de le voir tel qu’il ou elle est désormais, sans constamment le ou la raccrocher à cette expérience passée.
À ce sujet, une psychologue dans un service de réanimation néonatale évoque par exemple qu’il ne faut pas que la prématurité devienne la définition de l’enfant : « il est préma ». Non, il a eu une naissance prématurée. Certains enfants naissent par césarienne, d’autres par voie basse et ce vécu fait partie de leur histoire. En revanche, aujourd’hui, cet enfant a tel âge. De ce fait, il est important de ne pas le caractériser par rapport à la prématurité. Certes, ça a été une époque de sa vie, mais maintenant c’est un enfant qui évolue, qui va grandir et continuer de se développer. Ce ou cette petit·e costaud est un être à part entière, tout comme les parents ne sont pas des parents d’un préma, ce sont des parents qui ont connu une naissance prématurée.
La transition de l’hôpital à la maison constitue une étape majeure pour les familles. Même si l’envie de rencontrer ce mini super-héros ou cette mini super-héroïne se montre irrépressible, il est essentiel de se synchroniser avec les parents et de respecter leur espace. Peut-être auront-ils besoin de temps pour vous accueillir dans leur quotidien, peut-être que ce moment arrivera rapidement ; quelle que soit leur décision, vous pouvez continuer à témoigner votre présence, avec empathie et bienveillance, et à fournir des services si besoin. L’aventure de la parentalité ne fait que commencer et vous continuerez d’être aux premières loges pour les soutenir dans cette expérience mouvementée et pleine de surprises !
Ce dernier volet termine notre série à destination de l’entourage pour aider les parents de bébés prématurés. Vous pouvez (re)découvrir nos conseils pour soutenir les familles à la naissance et durant l’hospitalisation.
Nous serions heureux de recevoir votre témoignage sur les initiatives que vous avez pu mettre en place pour aider vos proches lors du retour à la maison, ou, en tant que parents, sur celles qui vous ont le plus apportées. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous partager votre expérience sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.
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