La boîte à outils de l’entourage pour accompagner les parents tout au long de l’hospitalisation

Avant de connaître le service de néonatologie et le quotidien d’une hospitalisation, la prématurité reste une réalité vague et distante. Pourtant, près de 8 % des accouchements se font prématurément en France, soit près de 165 naissances par jour. Même si elle touche de nombreuses familles, nous sommes peu armés en tant qu’entourage pour accompagner cette période bouleversante et exténuante. Dès lors, comment témoigner son soutien aux jeunes parents et sa présence durant cette longue période à l’hôpital ? Avec Séverine Prat, ex-infirmière en réanimation néonatale, aujourd’hui spécialisée en ostéopathie périnatale et pédiatrique, nous envisageons des pistes pour aider les parents de bébés prématurés durant l’hospitalisation.

Aider des parents de bébés prématurés durant l’hospitalisation.

Cet article a été écrit en collaboration avec Séverine Prat. Un grand merci à elle de prendre le temps de partager son expérience et ses conseils avisés. 

Ce volet se concentre sur l’aide à apporter durant la période de l’hospitalisation. Il fait suite à un précédent sujet sur les pistes pour accompagner les parents au moment de la naissance. Nous poursuivrons la publication de ces deux articles avec un dernier épisode consacré au soutien possible lors du retour à la maison.

1. Apporter un soutien matériel et pratique

Quand le bébé commence à se stabiliser, les parents entrent dans une nouvelle phase de l’hospitalisation. Une véritable course de fond s’enclenche alors et un autre rapport au temps s’installe. Pour être opérationnels sur la durée, les parents doivent veiller à leur hygiène de vie, alors même que le quotidien se montre pesant et que les allers-retours à l’hôpital fatiguent. Il faut tenir moralement et pour ce faire, il faut tenir physiquement. Sur ce point, l’entourage a un rôle à jouer. En effet, vous pouvez assister les parents d’un point de vue matériel et pratique pour alléger leur vie quotidienne

Séverine évoque une analogie avec les épreuves du baccalauréat ou la préparation de concours pour évoquer ce marathon de l’hospitalisation :

« Imaginons que vous êtes parent d’un enfant qui passe les concours du bac ou d’entrée à l’université. Dans cette situation, vous allez lui laisser de l’espace et lui préparer ses repas par exemple pour lui faire gagner du temps, pour alléger son quotidien. Et au moment où la charge de travail se fera trop lourde pour ses épaules, vous serez présent pour le soutenir et lui dire “tu vas y arriver, je comprends que ce soit difficile, mais je crois en toi”. Là aussi, il y a cet aspect d’encourager dans la durée. »

Pour agir d’une manière concrète, vous pouvez créer un groupe WhatsApp qui servira à rendre service aux parents et à témoigner votre présence. À ce moment-là, vous agissez en tant que soutien psychologique et assistant technique pour simplifier la logistique des parents. Ces derniers pourront alors envoyer des messages pour partager leur besoin comme « il y a un tel à aller chercher à tel endroit », « au secours, j’ai oublié de faire les courses », « j’ai besoin d’un nouveau body en urgence » ou même « l’hôpital m’a dit d’acheter une cotocouche, mais c’est quoi des cotocouches ?! » et vous pourrez y répondre, selon vos disponibilités.

De la même manière, si les parents habitent loin de l’hôpital et que votre domicile se situe plus près, même de quelques kilomètres, et que vous pouvez les accueillir, ne serait-ce qu’une nuit par semaine, cette proposition peut être une aide précieuse pour eux. Les repas constituent un autre aspect sur lequel vous pouvez vous impliquer. Vous pouvez par exemple déposer des petits plats mijotés avec attention pour qu’ils grignotent un bout entre deux trajets ou entre deux soins.

Si les parents n’ont pas le temps de cuisiner, ils ont encore moins d’énergie à consacrer au ménage. De plus, leur présence à l’hôpital entraîne une absence de leur logement qui rend la gestion des tâches ménagères d’autant plus secondaire. Pour réduire leur charge mentale, une aide à ce sujet sera sûrement la bienvenue. Vous pouvez vous occuper vous-même de ce nettoyage ou trouver un organisme pour réaliser cette prestation sur une période donnée. 

Votre soutien aux parents pendant l’hospitalisation peut aussi se traduire par un coup de pouce pour qu’ils prennent du temps pour eux. L’idée n’est pas d’organiser un week-end à l’étranger pour déconnecter, mais plutôt de réserver des activités courtes qui leur permettront de reprendre des forces tout en restant proche de leur bébé. Vous pouvez par exemple prendre rendez-vous pour un massage du dos ou réserver une table dans un restaurant près de l’hôpital.

2. Encourager tout au long du chemin de l’hospitalisation

En tant que proches, il est important de se montrer constamment à l’écoute durant la période de l’hospitalisation, prêts à entendre les difficultés et en continuant à valoriser tous les progrès des enfants, mais aussi tous les efforts positifs des parents. Dans le contexte de la prématurité, les parents ne décrochent pas le regard du service de néonatologie et manquent ainsi d’une vision d’ensemble. La position plus détachée de l’entourage permet de voir les évolutions et de les notifier aux parents. Pour cette raison, vous pouvez montrer leurs accomplissements, par exemple en disant : « regarde tu tires ton lait, c’est très bien », « regarde, vous arrivez à aller à l’hôpital tous les jours, c’est super », « votre enfant va bien, c’est grâce à vous ». 

Les soignants adoptent cette même démarche quand les parents viennent à l’hôpital. De cette manière, lorsqu’ils quittent le cercle familial et amical avec ces encouragements, ils arrivent au sein du service et entendent les mêmes choses, ce qui consolide l’idée que, certes, la situation est difficile, mais qu’ils agissent au mieux de leurs capacités, que leurs actions comptent et fonctionnent. D’ailleurs, l’entourage peut constater les progrès du bébé et s’enthousiasmer des changements : « il a changé de visage », « il a pris du poids ». Même si vous ne rencontrez le·la petit·e costaud qu’à travers des photographies, les images suffisent à observer les améliorations : « regarde, la semaine dernière il ne faisait pas ça, c’est incroyable ! ».

Soutenir les parents de bébés prématurés durant l'hospitalisation.

3. Célébrer les victoires avec les parents

Dans cette même idée, Séverine affirme qu’il faut fêter tous les événements et que l’entourage peut participer à ces moments avec les parents. Que va-t-on fêter avec eux ? Tous les accomplissements peuvent faire l’objet d’une célébration : la première semaine, le premier mois, le premier kilo, le second kilo ou le premier bain par exemple. 

En tant que parents, il peut être difficile de s’enthousiasmer pour un événement parce que l’instant positif peut vite basculer, ils savent que les retours en arrière existent. Cependant, cette peur est issue d’une projection sur l’avenir : les parents envisagent toujours le chemin qu’il reste à parcourir. Dès lors, le fait de fêter ancre le moment dans le présent et marque des étapes sur ce long parcours. De cette manière, vous pouvez constater, avec les parents, le chemin parcouru. Dans cette course de fond, si vous regardez les 42 kilomètres qu’il reste à franchir, il y a de fortes chances que vous vous sentiez démoralisé puisque la distance semble insurmontable. Le fait de jalonner le parcours d’étapes permet de relativiser, mais aussi de créer des souvenirs qui resteront.

Bien sûr, quand nous parlons de célébrer, il ne s’agit pas d’organiser une fête démesurée par rapport à la réalité de la situation, mais plutôt de ritualiser ce qu’il vient de se passer pour le·la petit·e costaud, de marquer le coup. À ce moment-là, la tradition peut simplement être de prendre la photo avec un commentaire qui dit « notre petit·e costaud a une semaine aujourd’hui », ce à quoi la famille peut répondre « joyeuse première semaine petit·e costaud, t’es trop fort·e, c’est parti pour la 2e ! ». 

En regardant en arrière, tous ces moments se cumulent et donnent de la force pour continuer. Ainsi, dès que les parents trébucheront dans leur marathon, qu’ils commenceront à avoir mal aux jambes et à manquer de souffle, vous pourrez vous appuyer sur ces moments partagés et dire : « regarde, on a fêté sa première semaine, son premier kilo, sa première taille de pyjama naissance, là il est malade, mais il est capable. Il a fait toutes ces batailles et il les a toutes remportées. On croit en lui et on va le soutenir à nouveau. »

« Nous avons attendu 15 jours pour réunir nos parents et fratries et “fêter” la naissance de notre fils. Le temps de réaliser que cela nous redonnerait des forces d’être ainsi entourés. Afin de maximiser le temps passé auprès de notre petit costaud, nos proches se sont occupés de tout : ils ont fait livrer des pizzas chez nous, ont mis la table, fait les courses et se sont pliés à nos contraintes – nous avions prévu un créneau de 2h chez nous, avec eux, afin de retourner à l’hôpital pour les soins de notre fils. Bien que rapides, ces retrouvailles ont été émotionnellement très fortes et nous ont apporté une bouffée d’oxygène. » 

Laure

Les proches ne viennent pas pour la haute gastronomie, ils viennent pour les parents et pour le·la petit·e costaud qui a rejoint la famille. Parfois, il faut laisser le temps suivre son cours et s’adapter au rythme des parents.

Apporter son aide aux parents de bébés prématurés au cours de l'hospitalisation.

4. Se souvenir des premières fois du bébé préma

Les enfants nés à terme possèdent tous des albums avec leurs premières fois, pourtant les photos manquent parfois pour les bébés prématurés. Pourquoi ne pas encourager la démarche en incitant les parents à regrouper les premières fois de leur petit·e costaud ? 

Dans cette idée, l’association Dix Petits Doigts a élaboré un cahier de naissance qui raconte les premiers instants en tenant compte des spécificités de la prématurité. Gaspard et Alice ont également élaboré des cartes étapes pour illustrer les moments importants des premières semaines de vie de la petite ou du petit costaud. 

Ces cadeaux encouragent les parents à valoriser les victoires et offrent une trace de ce parcours. Vous pouvez proposer ce type de contenu aux parents, tout en leur laissant le choix de s’en saisir s’ils le souhaitent. Ce journal de vie permettra d’ailleurs au petit·e costaud de constater combien tous ses proches se sont impliqués dès sa naissance, en allant chercher son doudou, ses bodys ou en trinquant à distance à sa première semaine.

5. Créer un lien avec l’équipe soignante pour aider les parents de bébés prématurés durant l’hospitalisation

Si vous avez la possibilité de vous rendre à l’hôpital, vous pouvez rester derrière la vitre pour apporter votre soutien aux parents, même si ce n’est pas auprès du bébé. Si les conditions sont favorables pour rencontrer le·la petit·e costaud et que vous le souhaitez, il ne faut surtout pas hésiter à discuter avec les soignants. Ce regard intérieur vous livrera des informations essentielles pour prendre conscience de l’évolution du bébé, parce que les parents ne seront pas toujours disposés à le faire. 

L’équipe médicale peut également vous renseigner sur l’attitude à adopter et fournir des clés pour aider les parents. De la même manière, les soignants peuvent aussi se reposer sur vous comme relais pour s’adapter à des situations spécifiques. Par exemple, le personnel peut se rapprocher de vous lorsqu’il existe une disparité entre les deux parents et que l’un d’eux va visiblement moins bien, mais que les soignants ne parviennent pas à lui parler.

6. Partager les retours d’expérience

Les retours d’expérience d’autres parents ayant traversé la même épreuve peuvent donner force et espoir :

« Lorsque nous étions en salle des parents, nous trouvions beaucoup de réconfort et d’espoir dans les mots et photos laissés par les parents dont les enfants avaient quitté le service. Nous pouvions voir des bébés ou enfants en pleine forme, fêtant leur anniversaire par exemple. Nous n’avions qu’une envie : pouvoir, à notre tour, laisser ce type de message et prendre ce type de photo. »

Laure

Ainsi, si vous connaissez dans votre entourage des personnes qui sont nées prématurément ou ont eu un enfant prématuré – et vont bien aujourd’hui – vous pouvez raconter leur histoire aux parents. Ces récits délivrent un message rassurant et offrent une vision positive sur le long terme. Pour autant, il est essentiel de ne pas en faire trop pour ne pas submerger les parents qui ont déjà l’esprit occupé. Restez toujours attentifs à leurs émotions et à leurs craintes tout au long de l’hospitalisation.

Si les parents sont d’accord et le souhaitent, vous pouvez également vous charger de prévenir l’entourage plus large afin de leur expliquer la situation à leur place.

Comment aider les parents de bébés prématurés durant l'hospitalisation ?

7. Trouver sa place auprès du bébé

En tant qu’entourage, trouver sa place par rapport à ce petit bébé, pour lequel une rencontre physique n’est pas toujours envisageable, n’a rien d’évident. De ce fait, il peut être intéressant de vous demander comment vous souhaitez vous positionner par rapport à lui·elle, en fonction de ce que vous aimez, de qui vous êtes et de ce qu’il est possible de faire dans le service. Cette démarche vous permet de faire un pas vers ce nouveau rôle que vous allez jouer. Vous pouvez aussi discuter de vos idées avec les parents, notamment au niveau des cadeaux que vous souhaiteriez offrir par exemple, pour connaître leur ressenti. 

Bien sûr, certaines personnes présentent une place privilégiée que les soignants identifient rapidement, c’est le cas de la fratrie. Les frères et les sœurs du ou de la petit·e costaud sont généralement reçus par le·la psychologue et une rencontre peut être envisagée pour organiser les présentations familiales. En plus de cette visite, la fratrie pourra se trouver chargée de missions comme celle de décorer la chambre. S’il vous arrive de garder les aîné·e·s, vous pouvez participer à ces activités et envoyer des photos de l’avancée des travaux aux parents, qui culpabilisent souvent de ne pas se trouver aux côtés de leurs grand·e·s. 

De la même manière, vous pouvez partager avec les parents les loisirs des enfants et leurs passe-temps pendant leur absence. Ces images et ces messages leur feront énormément de bien. Vous pouvez aussi accompagner les aîné·e·s choisir un cadeau pour leur petit frère ou petite sœur et les emmener à l’hôpital pour le déposer.

8. Partager un mot doux au quotidien

Parfois, la crainte de ne pas trouver les mots justes ou la peur de ne pas savoir comment agir freine l’entourage qui préfère éviter les visites. Pourtant, une présence sans paroles fait du bien. Envoyer un bisou de loin ou un coucou passager derrière la vitre du service de néonat’ offre un grand réconfort. Avec ce simple signe, vous témoignez de votre soutien et il aide profondément les parents. Tout geste et toute présence fait du bien

Quand un événement dure dans le temps, l’intensité se trouve au rendez-vous au départ, puis elle décroît avec le temps. Ainsi, l’accompagnement des proches peut se déliter au fur et à mesure de l’hospitalisation, bien que l’approche de la fin ne réduise pas les difficultés des parents. Même s’ils semblent aller mieux et que le petit·e costaud gagne chaque jour plus de force, il se peut que les émotions sous la surface restent chaotiques. Une hospitalisation s’étend dans la durée et peut se montrer décourageante. C’est dans ces moments-là que votre présence a encore plus d’importance. La conversation WhatsApp permet à cet égard d’envoyer des messages régulièrement. Bien sûr, écrire tous les jours peut sembler contraignant, c’est pourquoi si vous partagez cette tâche à plusieurs, vous pouvez vous relayer et répartir une pensée quotidienne entre les différents membres du groupe, sans jamais oublier cette petite note qui illumine la journée des parents. Et au 100e message envoyé, vous pourrez le célébrer !

À ce sujet, Séverine partage d’ailleurs une anecdote :

« je connaissais la copine d’une maman qui savait qu’elle passait toutes ses journées en néonat’ et qui lui envoyait la photo du soleil. Elle faisait ça tous les jours avec le coucher ou le lever du soleil. Cette maman rigolait, elle disait qu’elle passait toute la journée ici sans sortir et que cette pensée lui faisait du bien. C’est une présence différente, mais qui témoignait d’un soutien ».

Vous aussi, vous pouvez envoyer une pensée, une blague, une anecdote sur une situation absurde que vous avez vue ou vécue, peu importe, tant que vous inscrivez votre démarche dans la durée. Votre message n’a pas besoin de ressembler à un poème et vous n’avez pas besoin qu’il s’étende sur trente pages, une petite attention suffit, que ce soit une photo, un mail, un SMS ou un message vocal.

a boîte à outils de l’entourage pour accompagner les parents tout au long de l’hospitalisation.

Soutenir les parents au cours de l’hospitalisation de leur petit·e costaud implique de montrer une présence constante et bienveillante. Parfois, de petits gestes simples suffisent à donner de la force pour avancer sur la durée. À votre échelle, vous pouvez participer à alléger le quotidien des familles en gardant les aîné·e·s, en préparant des repas, en faisant les courses ou en proposant un soutien logistique pour les trajets. En plus de cet aspect pratique, votre compassion et votre écoute permettront aux parents de se sentir soutenus tout au long de leur parcours. Avec eux, vous serez aux premières loges de l’évolution de ce nouveau membre de la famille ou de votre cercle d’amis et pourrez célébrer ses victoires.

Dans le prochain volet de cette série pour aider les parents de bébés prématurés, nous aborderons la question de l’accompagnement au moment du retour à la maison. Si vous ne l’avez pas encore découvert, vous pouvez lire la première partie de cette trilogie qui propose des conseils pour soutenir les parents au moment de la naissance.

Nous serions heureux de recevoir votre témoignage sur les initiatives que vous avez pu mettre en place avec vos proches pour les aider durant l’hospitalisation ou, en tant que parents, sur celles qui vous ont le plus apportées. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous partager votre expérience sur notre page contact, en message privé sur nos réseaux sociaux (Facebook et Instagram) ou dans les commentaires de cet article.

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